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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 16.djvu/12

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rancunes ; donc c’est en fin de compte à la société qu’il faut faire remonter les infortunes et les désastres qui peuvent l’atteindre après des époques de prospérité et de grandeur. Quand la France fut riche et puissante, comme lorsqu’elle fut appauvrie et vaincue, elle avait été l’artisan de son sort. A chaque siècle, ce que notre pays nous apparaît n’est que le résultat du jeu combiné d’une multitude de forces dont le gouvernement a pu se servir avec plus ou moins d’inexpérience ou d’habileté, mais qu’il n’avait pas créées et que tout au contraire souvent il subissait. L’étude plus approfondie de nos annales fera ressortir chaque jour davantage cette vérité que l’on peut au reste constater chez tous les peuples : elle se manifeste surtout aux époques de souffrances et de misères, parce que les causes qui ont engendré cet état extrême deviennent alors plus saisissables. Ces époques ne manquent pas dans notre histoire. La France, loin d’avoir été presque toujours victorieuse, a éprouvé de terribles revers et reçu de dures humiliations. Elle a été envahie et aux trois quarts conquise à diverses reprises ; elle a traversé des périodes prolongées d’abaissement ; elle ne s’est pas constamment relevée plus forte et plus grande qu’elle était auparavant. Dans les oscillations par lesquelles elle a passé, on observe l’influence d’élémens contraires, inégalement répartis suivant les temps, les uns qui affaiblissaient la nation, les autres qui la fortifiaient ; les premiers, prédominant à l’époque qui précéda immédiatement l’abaissement, ont fait descendre la France du sommet qu’elle avait atteint ; les seconds, prenant ensuite le dessus, ont réparé le mal accompli et arraché le pays à l’abîme où il semblait prêt à s’engloutir. C’est au moment du passage d’une période de prospérité à une de calamité et de ruine, à ces points de partage dans l’histoire d’un peuple entre deux courans différens, que se montrent clairement l’influence des élémens opposés nés des modifications successives des institutions et des mœurs et l’étroite corrélation entre la condition morale et matérielle du pays et les événemens qui en déterminent la grandeur ou la chute.

Le milieu du XIVe siècle nous présente un de ces contrastes, une de ces ondulations prononcées dans l’état de la France. Prospère d’abord, elle s’abaisse pour se relever ensuite. Dans l’intervalle d’un petit nombre d’années, notre patrie, deux fois écrasée par les Anglais, à bout de ressources pécuniaires, en proie à l’anarchie, à la guerre civile, dévastée par les ennemis du dedans et par ceux du dehors, a reconquis une grande partie de ce qu’elle avait perdu ; elle redevient florissante et respectée et trouve, avant d’être éprouvée par de plus longs malheurs, une existence qui n’est pas sans éclat. C’est cette phase de notre histoire que nous fait suivre un ouvrage plein de recherches intéressantes et de renseignemens