Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 16.djvu/194

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nouvelles le gouvernement était en mesure d’affronter le suffrage universel, et qu’il pouvait délaisser ces mesures de précaution que les conservateurs de l’assemblée législative avaient cherchées dans la loi du 31 mai. — On sait que le régime impérial se transforma dans les dernières années de son existence, et que, d’absolu qu’il était, il se fit libéral et parlementaire. Les institutions municipales devaient bénéficier de ce changement. Une proposition de loi déposée au corps législatif, le 30 mai 1870, donna naissance à la loi du 22 juillet, loi peu remarquée, peu connue, et que le pays n’eut pas le temps d’expérimenter. Elle laissait au gouvernement le soin de nommer les maires et adjoints en l’obligeant à les prendre dans le sein du conseil municipal. Cette loi, votée au corps législatif par 178 voix contre 36, était adoptée sans discussion et à l’unanimité des votans par le sénat[1].

Jamais assemblée n’arriva mieux disposée pour les franchises communales que l’assemblée de 1871. Élue en réaction à la fois contre un régime qui avait abusé de la centralisation et n’avait pas évité au pays les aventures, et contre une dictature de fait qui avait suspendu les conseils électifs, elle comptait d’ailleurs dans ses rangs presque tous les chefs de cette école libérale, si grande par le talent et l’élévation de l’esprit, qui avait signé ou approuvé le programme décentralisateur de Nancy. Imbue des idées développées par M. le duc de Broglie dans ses Vues sur le gouvernement de la France, et par M. Prévost-Paradol dans son livre si patriotique de la France nouvelle, elle n’était pas éloignée de voir, comme M. de Vatimesnil, dans les libertés municipales, un préservatif contre l’anarchie. Aussi avec quelle confiance, nous allions dire avec quelle témérité, aborda-t-elle la discussion de la loi du 14 avril 1871. On s’en souvient. C’est à Versailles, pendant que tonnait le canon de la guerre civile et que l’étranger campait encore sous les murs de Paris, au moment où le vent de la commune soufflait sur les principales villes de France, c’est à ce moment d’épreuve, le plus cruel que le pays ait traversé dans les temps modernes, que l’assemblée votait la nomination des maires par le conseil municipal. Il semblait qu’elle eût voulu jeter le défi du libéralisme à l’anarchie. C’est à peine si M. Thiers, agissant sur elle par la menace de sa démission, put conserver au gouvernement un lambeau d’autorité en obtenant la nomination des maires dans les chefs-lieux de département et d’arrondissement, et dans les villes de plus de vingt mille âmes. Le gouvernement de M. Thiers vécut avec ce régime ; mais une circonstance le servit beaucoup, c’est qu’il luttait contre l’assemblée.

  1. Il est juste de dire que le rapport de M. le sénateur de Mentque ne fut déposé que le 16 juillet, et qu’à la date du 15 avait éclaté la déclaration de guerre. Ce n’était pas le moment des discussions ni des oppositions.