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simplicité antique et presque naïve. Il l’a traduite en grec, et bon gré, mal gré jusqu’à la consommation des siècles la sculpture sera condamnée à parler un grec plus ou moins pur, mélangé de quelques idiotismes florentins. Praxitèle comprendrait sans peine le terme de M. Guillaume, nous doutons qu’il comprît aussi bien le Masque de M. Christophe et surtout qu’il l’approuvât.

Parler grec à des Français du XIXe siècle et exprimer dans une langue morte des choses à peu près nouvelles n’est pas un métier commode. Le poète en prenait à son aise, quand il disait : « Sur des pensers nouveaux faisons des vers antiques. » Les audacieux se lancent à corps perdu dans les inventions dangereuses, dans les entreprises chimériques ; les imaginations paresseuses ou indigentes se réduisent au pastiche, elles se contentent de redire médiocrement ce qui avait été dit excellemment il y a vingt-deux siècles, et le public s’écrie : A quoi bon ? Voilà un Mercure faisant son caducée ; il est élégant et correct ; mais à quoi bon un Mercure et un caducée de plus ? A quoi bon des Amazones ? A quoi bon des Faunes dansans ? Il y a beau jour qu’on les voit danser. — Cependant nous n’avons pas dit devant le Persée et la Gorgone de M. Marqueste : Encore une Gorgone ! Encore un Persée ! Ce n’est pas que le jeune artiste ait beaucoup rajeuni son motif, ni qu’il ait chanté cette vieille chanson sur un air absolument nouveau ; mais il a mis dans son groupe une vivacité d’action, une fougue de mouvement, une sincérité d’impression qui ont plu. Persée a posé son pied vainqueur sur la Gorgone, qu’il vient de terrasser ; il la regarde d’un air terrible, qui n’a rien de théâtral. Il la tient à pleine main par sa chevelure de serpens. Il est farouche, inexorable ; il prend le cas au sérieux, son glaive va frapper le grand coup et faire voler dans l’air cette tête scélérate. La Gorgone elle-même est bien en action ; les deux mains appuyées au sol, elle ouvre une bouche formidable, elle crie à gorge déployée, et son hurlement part du cœur. M. Marqueste a jeté dans un vieux vaisseau un jeune vin qui pétille.

Il y a aussi beaucoup de mouvement, beaucoup de brio dans le Torrent de M. Basset. Ce personnage échevelé, au visage trouble, portant une urne pleine sur son épaule gauche, entouré d’une draperie flottante, un pied sur un rocher, l’autre en l’air, dévale en hâte du sommet d’une montagne. C’est un projet de fontaine, qui ne peut manquer de venir à bien. L’exécution n’en est pas très fine, mais on ne peut demander de la grâce attique à un torrent, et une fontaine peut s’en passer.

Nous avons trouvé une véritable nouveauté d’invention dans deux statues inégalement réussies, intéressantes l’une et l’autre, qui ont été fort remarquées. M. Baujault, qu’a rendu célèbre son Premier