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les états italiens, et avant tout de la régularisation des rapports de l’Autriche et de la Sardaigne. La mission de lord Cowley n’avait pas trop réussi ; elle n’avait pas non plus absolument échoué, le cabinet anglais le croyait du moins, et peut-être même se flattait-il déjà de pouvoir dominer les événemens par une médiation lorsque tout à coup, vers le 20 macs, éclatait en pleine Europe une proposition de congrès venant de Saint-Pétersbourg et en réalité répondant à un vœu secret des Tuileries. C’était la première apparition de cette idée ou de cette chimère de congrès si souvent et si vainement poursuivie depuis par Napoléon III. Un congrès à propos des problèmes italiens ! Dans quelles conditions et où se réunirait-il, ce congrès ? Comment serait-il composé ? Traiterait-il des affaires de l’Italie sans les Italiens ? Allait-il s’ouvrir au bruit des armemens qui ne discontinuaient pas sur le Tessin ? Évidemment la question, au lieu de se simplifier, ne faisait que se compliquer en mettant au grand jour toutes les incohérences européennes, en entrant dans une voie sans issue. Un diplomate avisé disait : « Voila un congrès qui ne se réunira jamais ! »


II

C’est en présence de ces difficultés que Cavour se trouvait incessamment entre 1er janvier 1859 et le mois d’avril. L’art suprême pour lui n’était pas seulement de faire sortir la guerre d’une situation si troublée : c’était d’aller au but à travers toutes les complications sans trop se séparer de l’Europe, surtout sans cesser un instant d’être en contact avec la France, dont il devenait l’avant-garde au-delà des Alpes. L’art suprême pour Cavour était de concilier le mouvement intérieur sur lequel il avait à s’appuyer, dont il restait plus que jamais le guide aussi prudent que passionné, et les difficultés extérieures auxquelles il ne pouvait échapper. Dans ce double travail, il déployait quatre mois durant une inépuisable et alerte activité, ayant toujours l’œil sur le Tessin et sur l’Autriche, passant d’une conférence diplomatique à la visite des fortifications de Casale ou d’Alexandrie, veillant à tous les services et recevant tout le monde, communiquant sans cesse autour de lui son esprit et son feu.

Aux premiers incidens de la nouvelle année, au moment où « la bombe avait éclaté, » selon l’expression dont on se servait, le Piémont et l’Italie entière avaient ressenti la commotion. L’opinion avait compris que l’heure était venue, et pour tous il n’y avait plus en dès lors qu’une pensée. D’Azeglio, ce galant homme, toujours prêt aux résolutions généreuses, s’était empressé d’écrire à Cavour :