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Mazarin, toutes les dépêches l’attestent, ne se serait pas refusé aux faveurs de la fortune ; mais il y avait une chose qu’il craignait par-dessus tout de compromettre, c’étaient les négociations d’Osnabrück et de Munster ; il savait combien allait être glorieuse la paix que l’habileté de Richelieu et ses propres calculs avaient si bien préparée ; il avait à conduire jusqu’à cette honorable fin l’œuvre heureuse de son prédécesseur ; n’est-ce pas se montrer un peu difficile que de ne pas se contenter de ce qu’il a prudemment accompli ? On peut lui reprocher des maladresses et des fautes dans son gouvernement intérieur : il en a été puni par la guerre civile ; mais ne paraît-il pas avoir eu sa bonne part dans les magnifiques résultats obtenus par notre diplomatie pendant la durée de son ministère ? C’est lui qui a préparé et inspiré les négociations de Westphalie : il ne voulait rien admettre qui pût livrer à quelque dangereux hasard de si grandes espérances. MM. Loiseleur et Baguenault de Puchesse ont bien indiqué çà et là dans les notes cette préoccupation du grand ministre ; peut-être eussent-ils bien fait de l’en estimer davantage ; ils fussent restés ainsi, croyons-nous, fidèles à l’esprit de mesure et de sage appréciation qui respire dans tout le reste de leur commentaire. Somme toute, ils ont donné un volume important, et plus riche d’informations qu’ils ne l’ont dit eux-mêmes. Ce n’est pas seulement le curieux épisode de l’expédition du duc de Guise qui est ici raconté avec beaucoup de nouveaux détails, il faudra désormais tenir compte aussi de ces intéressantes dépêches pour ce qui concerne les négociations relatives au traité de 1648 et les dispositions des diverses puissances qui y ont pris part. Un principal moment de l’histoire diplomatique se trouve ainsi éclairé d’une nouvelle lumière.

Le tableau général où ces épisodes viennent prendre place, la suite des destinées de la monarchie de Charles-Quint et de Philippe II devenue celle des faibles Philippe III et Philippe IV, c’est dans la grande Histoire d’Espagne de M. Rosseeuw Saint-Hilaire[1] qu’on peut les trouver amplement exposés. L’auteur a poursuivi sans fatigue ni relâche le travail considérable qu’il avait entrepris il y a plus de vingt ans. Le onzième volume, publié en 1873, contient précisément les divers récits de la révolution de Portugal, de l’insurrection de Catalogne, de la révolte de Naples, qui marquent combien est précipitée la décadence espagnole. Ce même volume poursuit jusqu’à la mort de Charles II, et raconte de plus les premières années de Philippe V et de la guerre de la succession. Le bon vouloir ne manquait pas à cette cour de Philippe V, ni l’intelligence et le vœu de certaines réformes ; mais il semble qu’une atmosphère débilitante y paralysât les résolutions énergiques pour y laisser place aux velléités intermittentes et au caprice. C’est une femme qui prend, au milieu de cette confusion, le premier rôle,

  1. Douze volumes in-8o ; Furne et Jouvet.