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Burrough jugea que les hommes avaient du venir de quelque autre endroit pour établir en ce lieu désert les pièges qu’on tend d’habitude aux animaux à fourrure. En se rapprochant de la côte, les marins du Searchthrift découvrirent en effet des trappes dressées en grand nombre.

A 15 lieues dans le nord-nord-est du cap Saint-Jean, commencèrent à se montrer les dunes de sable. Par 68° 30’ de latitude, on en vit la fin ; la côte avait de nouveau changé d’aspect. Elle s’étendait vers le nord-quart-nord-ouest et l’eau devenait rapidement plus profonde. Le 8 juillet, le Searchthrift doubla le cap Canin. Stephen Burrough détermina très exactement la position de cette pointe rocheuse, qui marque, du côté de l’est, l’entrée de la Mer-Blanche. Le 10, la pinnace était encore une fois à l’ancre. Une tempête menaçante se formait peu à peu dans le nord-ouest. Attendre au mouillage ce vent qui tout à l’heure allait probablement battre en côte, c’eût été se résigner à périr corps et biens. Où chercher pourtant un refuge dans ces parages qu’on n’avait jamais visités ? On distinguait bien, il est vrai, non loin du cap Canin, une sorte de coupure qui paraissait se prolonger assez avant dans les terres ; la sonde, par malheur, laissait peu d’espoir de pouvoir arriver jusqu’à cet enfoncement où l’on eût peut-être rencontré un abri. L’inquiétude de Burrough était grande. Pendant que ses regards se portaient alternativement sur les divers points de l’horizon, allant du nuage sombre où grossissait l’orage à la côte que la houle frangeait déjà d’une large bande d’écume, une voile se montra tout à coup sortant de la crique dont les marins du Searchthrift jugeaient impossible de tenter l’accès. Gabriel venait au secours de ses amis. En passant près de la pinnace, il fit signe à Stephen Burrough de se diriger vers l’est. Le Searchthrift sur-le-champ leva l’ancre et fit route à l’est-quart-sud-est, avec des vents d’ouest-nord-ouest. Le temps était très brumeux. Burrough parvint pourtant à suivre Gabriel. Le 11 juillet, on avait fait une trentaine de lieues. La lodia piqua droit à terre et la pinnace se maintint dans ses eaux. C’était vers un port qu’on se dirigeait, mais vers un port défendu par une formidable ligne de brisans. Le Searchthrift passa la barre par deux brasses et quart environ. En dedans de ce seuil, les sondeurs trouvèrent cinq brasses, quatre brasses et demie, trois brasses. La pinnace pouvait librement tourner sur ses ancres ; le fond ne lui ferait pas défaut. Cherchez sur la carte le port Morgionets, — c’est là que Stephen Burrough prétend avoir mouillé, — vous ne rencontrerez aucun nom qui rappelle de près ou de loin celui-là. En revanche, vous avez le choix entre deux enfoncemens marqués sur la côte orientale de la presqu’île Canin :