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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 16.djvu/645

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s’abstient de ces hypothèses gratuites, parce qu’aucun fait ne les justifie. L’hypothèse de l’incomparable mine d’or qui se trouve on ne sait où ne peut être prise en considération. Le fait est que la production de l’or est en voie de diminution et non pas d’augmentation. Elle était de près de 1 milliard il y a quinze et vingt ans, elle est tombée à 500 millions, ce qui du reste est considérable, car au commencement du siècle elle était de moins de 100. Il est vrai que la partie du filon de Comstock qu’on exploite présentement est très aurifère, mais tel ne paraît pas être le caractère général de ce filon. Parmi les filons d’argent, beaucoup sont aurifères, mais ils ne le sont en général, excepté sur des points particuliers, que dans de petites proportions. Celui du Potosi ne l’était pas du tout.

On a fait valoir aussi que l’Inde pourrait bien absorber plus du métal argent qu’elle n’en a demandé dans ces dernières années, et que le métal, trouvant de l’emploi de ce côté, se déprécierait beaucoup moins. Pendant l’espace des quatre dernières années, l’Inde n’a importé en argent que 390 millions de francs. Pendant le groupe des quatre années précédentes, elle en avait réclamé 723 millions. Il n’est certes pas défendu de croire au retour de ce dernier état des choses et même de quelque chose de mieux ; mais sera-ce tôt, sera-ce tard ? Personne n’en sait rien. L’Inde en tout cas aurait fort à faire pour remplacer même très imparfaitement le débouché que l’argent trouvait chez les peuples qui désertent l’étalon d’argent pour passer à l’étalon d’or.

Parmi ceux qui désirent la réforme du système monétaire de la France, personne n’a prétendu que l’argent allait être un métal sans emploi, qu’il n’en faudrait pas beaucoup même, pour les monnaies d’appoint, qu’il ne resterait pas en Asie des pays où il serait la monnaie dominante. Non-seulement l’Inde, mais la Chine, le Japon et les états qui sont les satellites de ceux-ci, ne semblent pas au moment d’y renoncer. De même l’Amérique du Sud et le Mexique. En Europe, la Russie et l’Espagne pourront y rester fidèles quelque temps ; mais en somme on n’aperçoit nulle part un débouché qui promette d’être en proportion de la production.

Cette baisse pourra et devra mettre fin à l’exploitation d’un certain nombre de mines, ce qui retardera et restreindra la dépréciation ; mais au milieu de tous ces élémens contradictoires, de toutes ces éventualités obscures, le fait culminant, c’est la quasi certitude d’une très grande production de l’argent. Tout porte à croire aussi que le rapport entre la valeur de l’or et celle de l’argent sera pendant longtemps. mobile. Dès lors le rapport exprimé par le nombre 15 1/2 n’est plus qu’un fait du passé spécialement propre aux trois premiers quarts du XIXe siècle, et ne mérite plus qu’où y attache de l’importance.