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roubles[1] ou plus de 2 milliards 1/2 de francs. Si l’opération était terminée, si tous les paysans avaient usé du concours du gouvernement et racheté le maximum de terres auquel ils avaient droit, les avances du gouvernement se seraient élevées à environ 4 milliards.

Quelques chiffres donneront l’état de l’opération du rachat au moment actuel. Au 1er janvier 1876, il restait encore dans les trente-sept gouvernemens de l’intérieur plus de 2 millions de paysans mâles temporairement obligés, c’est-à-dire encore astreints à la corvée ou à l’obrok. Le nombre des anciens serfs ayant procédé au rachat était dans les mêmes gouvernemens de 5,300,000 âmes[2] ayant racheté environ 20 millions d’hectares de terre, De ces paysans 4,660,000 avaient demandé le concours de l’état, et le reste, 640,000 âmes environ, s’était passé de ce concours. À ces chiffres il faut ajouter 2,700,000 âmes pour les neuf provinces occidentales, où, à la suite de l’insurrection polonaise, le lien du servage a été brusquement rompu, et le rachat rendu immédiatement obligatoire. C’est donc pour ces quarante-neuf gouvernemens, qui comprenaient le plus grand nombre des serfs, un peu plus de 8 millions d’âmes aujourd’hui définitivement délivrées des liens de la glèbe et n’ayant plus qu’à servir l’intérêt du prêt de rachat. Ces 8 millions de paysans ont acquis près de 30 millions d’hectares de terre. Bans les autres parties de l’empire et jusque dans les provinces les plus éloignées, l’opération a été conduite de la même manière. Dans la Transcaucasie par exemple, où l’on comptait près de 250,000 serfs, le rachat est, croyons-nous, entièrement effectué. Les 12 millions de paysans mâles, retenus dans le servage au moment de l’émancipation, auront bientôt tous procédé au rachat de leurs terres.

On a cependant dans ces dernières années remarqué un ralentissement dans l’opération du rachat. L’exécution de cette grande mesure se poursuit d’une manière assez inégale selon les provinces. Les divers gouvernemens présentent à cet égard de singulières différences : propriétaires et paysans sont loin de montrer partout le même zèle pour régler leur situation. Dans le gouvernement de Samara par exemple, à peine un cinquième des paysans, dans la Bessarabie, à peine un dixième, avaient entrepris le rachat en 1874. Dans d’autres gouvernemens au contraire, comme ceux de Viatka, Pskof, Kharkof, Kherson, l’opération, à la même époque, était très avancée. La raison de ces différences est dans la diversité même des

  1. Au 1er janvier 1875, le » prêta se montaient à 605 millions, et en 1874 les annuités étaient de 41 millions, auxquels s’ajoutaient 15 millions d’arriéré. La banque avait avancé en moyenne 31 roubles 50 kopecks par dessiatine de terre et environ 107 roubles par paysan mâle.
  2. Comme au temps du servage, on entend toujours par âme, doucha, le paysan mâle soumis à la capitation.