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l’administration s’occupa de son côté de relever en Algérie l’enseignement des medersas, écoles de droit musulman, dont la plus célèbre qui était située hors du territoire, à Tunis, faisait délaisser, malgré l’éloignement, celles d’Alger, de Constantine et de Tlemcen, redevenues aujourd’hui florissantes, grâce à une impulsion habile et soutenue. Telles sont les diverses phases de l’organisation judiciaire chez les Arabes depuis la conquête jusqu’à ce jour.


III

Lorsqu’on passe de leurs tribus dans le territoire kabyle, on est frappé du contraste des institutions et des mœurs. Ce phénomène ne s’explique pas uniquement par la différence d’origine et l’antipathie native des races ; il est du en grande partie à l’influence de l’habitat : la configuration et la nature du sol de la Kabylie le rendent, comme on sait, très favorable à la défense et absolument impropre à la culture extensive et à la vie pastorale des Arabes. La conquête leur en était donc aussi malaisée que la possession peu utile. Les descendans de là race vaincue purent par suite y conserver leur indépendance ; mais, enclavés de toutes parts, sauf du côté de la mer, par le territoire ennemi et obligés de lui demander des denrées de première nécessité qu’ils ne produisaient point eux-mêmes, ils durent faire des sacrifices pour vivre en paix avec leurs voisins. La religion, qui divise si souvent les hommes, les met ici d’accord, l’indifférence des vaincus secondant le fanatisme des vainqueurs. C’est une question de savoir si les Berbères ont reçu l’Évangile. En tout cas, ils n’avaient jamais témoigné une ferveur chrétienne assez grande pour se montrer bien réfractaires à la propagande de la foi nouvelle. Si l’islamisme est la forme religieuse qui compte aujourd’hui les plus nombreux adhérens, il le doit principalement à la souveraine simplicité des dogmes et à la commodité des pratiques du culte. Là en effet un enseignement à la portée des plus humbles intelligences, point de mystères, nul appareil extérieur, ni cérémonies publiques, ni liturgie, ni même de clergé. Il y a dans l’islamisme des saints appelés marabouts (cette qualité est même héréditaire dans les familles, mais point de prêtres ; les muphtis, imans, ulémas, etc., si improprement désignées dans notre langage comme ministres du culte, ne sont que des docteurs en théologie, des casuistes, dont le rôle se borne à un enseignement scolastique. Toutes les pratiques religieuses consistent en quelques prescriptions dont l’observance est entièrement abandonnée à la piété des fidèles, et qu’il y a plus de mérite à accomplir dans la solitude qu’en public, où l’on peut y mettre de l’ostentation. Les