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autres pays, l’Allemagne comprise. Il suffit énergiquement déjà et, par un progrès continu, il suffira mieux encore à son double objet : la culture désintéressée qui fortifie l’homme intellectuel et moral, l’instruction pratique qui prépare aux études particulières des carrières libérales. Il ne doit oublier ou négliger ni le premier ni le second de ces deux intérêts, sous peine de produire un vague idéalisme ou le petit esprit. En quelle mesure doit-il combiner les deux sortes d’éducation, de manière à ne tomber dans aucun excès, tout en satisfaisant aux variables exigences des temps ? C’est le problème délicat sans cesse à résoudre. Il a pour obligation principale de faire des hommes, sans deviner à l’avance les futures professions ; mais il ne doit pas méconnaître que des connaissances positives, imprimées par de bonnes et sévères méthodes, peuvent seules d’une part bien forger les esprits, et d’autre part offrir un fonds solide aux bonnes aptitudes professionnelles, condition d’un avenir de succès, de sagesse et de contentement. S’il est vrai, comme il semble, que l’externat tende à s’augmenter et à entrer dans les mœurs, c’est bon signe, car il implique une salutaire responsabilité des élèves, et ce progrès permettrait un jour de rendre un peu plus tôt aux carrières actives ou à l’enseignement supérieur des jeunes gens plus capables d’une certaine conduite d’eux-mêmes et de quelque initiative. L’étude des langues vivantes, qu’il devient choquant et funeste d’ignorer, fait dans nos lycées de notables progrès. Celle de l’histoire et de la géographie comparée y est plus fortement conduite que dans plusieurs pays étrangers, quand du moins le professeur observe une juste mesure, n’accable ni ne disperse les esprits, mais au contraire les attire, les intéresse et les instruit presque à leur insu, ce qui lui est facile avec un instrument tel que l’enseignement historique, si flexible et si varié.

On entend toutefois des hommes spéciaux, très versés dans les hautes études de philologie, — celles qui après tout dominent et régissent les humanités, — se demander si les meilleures méthodes sont partout suivies dans nos études de grammaire, et si nos manuels sont au courant des progrès contemporains. Une autre remarque est aussi qu’on voit en Allemagne un plus grand nombre de maîtres, des gymnases ou d’ailleurs, produire des dissertations, des mémoires, des notices philologiques. Peut-être ne faut-il pas se hâter d’en conclure que tel de ces érudits enseigne mieux à cause de cela ; nous savons, par beaucoup d’excellens exemples, qu’on peut être un fort bon professeur sans rien publier soi-même ; il doit être permis d’imiter les muses : elles n’écrivent pas, mais se contentent d’inspirer. Nous savons bien aussi que chaque jour suffit tout au plus à sa peine, et qu’on peut vouloir réserver jusqu’à ses loisirs à ses disciples. Cependant il est difficile d’admettre que les recherches