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colonie serbe se fonde dans l’île danubienne de Csepel, au sud d’Ofen, et reçoit des rois de Hongrie des privilèges qui lui sont renouvelés par des diplômes royaux de diverses dates. Ces Serbes vivaient trop avant dans le pays magyar pour garder leur nationalité par la suite des temps.

A une époque incertaine, mais qu’on peut placer entre 1424 et 1430, le roi de Hongrie Sigismond Ier céda au despote serbe George Brankovitch un certain nombre de localités dans diverses parties de la Hongrie, c’est-à-dire lui accorda le droit d’y établir des colonies serbes. Plus tard, en 1439, et bien que le sultan Mourad fût son gendre, George Brankovitch fut forcé par les Turcs de passer le Danube. A sa suite, de nombreuses familles serbes vinrent se fixer en Hongrie et notamment au nord de la Maros, aux environs de Boros-Jenö et de Vilagos, où elles reçurent de Vladislas Ier des privilèges, Brankovitch devint grand-baron du royaume, mais dans sa longue et aventureuse carrière il passa tour à tour du camp des Hongrois au camp des Turcs, et c’est dans les rangs de ces derniers qu’il fut tué à l’âge de quatre-vingt-onze ans.

A la suite de luttes et d’intrigues qu’il serait trop long de raconter ici, les Turcs envahirent de nouveau la Serbie, et le vasselage fit place à la conquête et à la domination directe (1459) ; c’est la fin de l’état serbe. Cet événement accéléra le mouvement d’émigration, en Sirmie et dans les colonies fondées par Brankovitch. Les rois de Hongrie y gagnèrent de vaillans soldats. Mathias Corvin en avait dans son armée lorsqu’en 1477 il arriva aux portes de Vienne. Vouk Brankovitch, petit-fils de George, passa en Hongrie en 1465 avec un grand nombre de ses compatriotes, et reçut du roi de Hongrie le titre de despote. Sa vaillance lui avait fait donner par les Turcs le surnom de Dragon (Zmaj), et, différant en cela de son aïeul, il resta fidèle à la cause hongroise. En 1481, il passa sur la rive droite du Danube de concert avec deux autres chefs hongrois, et ramena 50,000 Serbes qu’on établit dans les environs de Temesvár. Ceux-ci reçurent aussitôt une organisation militaire, et ils formèrent, entre autres troupes, un corps célèbre à cette époque sous le nom de « légion noire. » Les Serbes se distinguèrent par leur fidélité au roi de Hongrie, non-seulement dans les guerres avec les Turcs, mais aussi dans les luttes intestines. En récompense de leurs services, les Rasciens, — c’est le nom qu’on donnait alors aux Serbes[1], — furent en 1481 exemptés, eux et les autres adhérens du rite oriental, de la dîme payée jusque-là au clergé catholique, et ce privilège fut confirmé par une autre loi hongroise de 1495. Les Serbes

  1. Le nom de Rascie est encore donné quelquefois à la Vieille-Serbie, qui forme aujourd’hui le pachalik de Novi-Bazar.