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clergé, n’eut d’autre résultat que de provoquer des émeutes. Deux évêques grecs-unis durent successivement s’enfuir pour sauver leur vie. Un évêque de rite oriental non apostat réunissait autour de lui le peuple des fidèles non-unis. La loi hongroise que nous venons de nommer devait établir une sorte de blocus autour de l’église de rite oriental en Slavonie. Des scènes analogues se passaient à Nagy-Varad, en Hongrie, où Léopold Ier, dans la même situation, avait installé un évêché latin. L’évêque de Nagy-Varad faisait bâtonner ou chasser les prêtres qui refusaient d’accepter l’union, et il prélevait la dîme sur les communautés grecques et roumaines, bien que les privilèges et les lois hongroises elles-mêmes en exemptassent les fidèles de l’église orientale. Pour prélever cette dîme, il prétextait les conversions qu’il imposait ou qu’il supposait. Le métropolitain serbe réclamait en vain auprès de Marie-Thérèse contre ces abus.

Les Magyars ne voulaient pas admettre que, grâce aux privilèges de l’empereur, les Serbes formassent un état dans l’état et échappassent à l’autorité des seigneurs féodaux. Ne pouvant tenir pour absolument nuls les diplômes de l’empereur, ils en affaiblissaient la portée par des réserves nombreuses. Ils demandaient en même temps que les franchises ne fussent reconnues qu’autant qu’elles subsistaient encore dans l’usage. Néanmoins un rescrit émané de la chancellerie autrichienne, ratifié par la chancellerie hongroise et par le conseil de guerre de la cour (1743), confirma les privilèges antérieurement accordés aux Serbes. Un congrès national serbe, convoqué à Carlovci l’année suivante, reçut communication de ce rescrit. Deux ans plus tard, Marie-Thérèse créa une direction spéciale des affaires serbes, comme nous dirions aujourd’hui, sous le nom de Députation aulique, et lui donna des attributions distinctes de celles de la chancellerie hongroise ; seule, elle devait être compétente pour délibérer sur toutes les affaires serbes et pour les soumettre au souverain. La chancellerie hongroise protesta contre cet empiétement ; le comte Kolovrat, placé à la tête de la députation aulique, répondit que les affaires serbes n’étaient pas des affaires hongroises, mais étaient du domaine de la politique autrichienne. Les provinces méridionales, disait-il, avaient été reconquises sur les Turcs par les armes impériales ; elles étaient un patrimoine de la maison d’Autriche et n’appartenaient pas au royaume de Hongrie. La députation aulique devait finir par succomber en 1777 sous l’hostilité des Magyars, mais tant qu’elle exista, elle fut entre la cour et les Magyars une cause de conflit. Ce conflit profita aux Serbes, qui obtinrent quelques concessions dans le domaine religieux.

La question des confins fut pourtant résolue dans le sens des Magyars, et ce fut la cause d’une nouvelle émigration, partielle seulement, des Serbes de Hongrie. Supprimés en principe en 1741,