de Hongrie devaient parler couramment et écrire correctement la langue allemande. » Cette mesure atteignait toutes les nationalités de la Hongrie ; mais c’était la race dominante, les Magyars, qu’elle devait irriter le plus profondément. Bien plus, elle donnait naissance à tout un ordre de conflits que la Hongrie n’avait pas encore connus jusque-là, le conflit des langues. Le latin était et avait toujours été la langue officielle de la Hongrie, et il garda cette prérogative pendant presque la première moitié de notre siècle. Bien qu’on parlât et qu’on écrivît le latin d’une façon barbare, l’emploi de cette langue savante, également étrangère par son origine à toutes les nationalités de la Hongrie, et dont l’obligation n’était un privilège pour personne, prévenait et excluait par son caractère neutre cette question de langue officielle si grave aujourd’hui dans les pays habités par plusieurs races. Aussi peut-on dire sans exagération que c’est l’emploi du latin qui a fait l’unité nationale de la Hongrie au moyen âge et dans les temps modernes, alors que les langues des nations de la Hongrie étaient des langues vulgaires (au sens où Dante prend ce mot), des langues sans culture et sans littérature. Le décret de Joseph II, en irritant les Magyars, fit germer chez eux l’idée d’employer leur langue comme langue politique et de l’imposer aux autres nations de la Hongrie. Ç’a été l’origine d’une lutte longue de près d’un siècle, et dont les Magyars semblent, aujourd’hui du moins, sortir vainqueurs.
La guerre avait éclaté entre la Russie et la Porte : Joseph II saisit cette occasion d’attaquer les Turcs, « voulant, disait-il dans un langage que ses successeurs ont oublié, venger l’humanité de ces barbares. » Les Slaves de l’empire d’Autriche, et en particulier les Croates et les Serbes, formaient une bonne partie de l’armée qui opéra sur la rive droite du Danube ; mais les Serbes de la monarchie n’étaient pas seuls en ligne contre les Turcs. « L’empereur Joseph, dit l’historien allemand Ranke, avait eu l’excellente idée de former un corps franc des Serbes qui viendraient se joindre à lui, et bientôt ce corps s’éleva à un chiffre considérable de fantassins et de cavaliers, qui rendirent pendant la campagne les meilleurs services, dès le siège de Belgrade en 1789, et surtout après qu’on fut en possession de cette place et du pays voisin. » Les impériaux conquirent la plus grande partie de l’ancien empire de Serbie, et ses habitans espérèrent un instant que, désormais délivrés de la domination turque, ils allaient faire partie de la monarchie autrichienne ; mais les affaires de France inquiétèrent bientôt trop vivement la cour de Vienne pour qu’elle ne désirât pas faire promptement la paix avec le Turc. Le successeur de Joseph II, Léopold, signa à Sistov, le 15 août 1791, un traité qui rétablissait le statu quo ante bellum, Belgrade retombait au pouvoir des Turcs. N’ayant