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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 16.djvu/863

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Suivant l’usage, les promesses et les engagemens du gouvernement de Vienne ne se réalisèrent qu’en partie, et en effet on n’avait pas réprimé la puissante insurrection hongroise pour accorder au petit peuple serbe ce qu’on avait refusé aux Magyars. Ce qui avait vaincu et ce qui s’imposait aux populations autrichiennes avec le ministère Bach, c’était la bureaucratie autrichienne et la germanisation. Dès 1851, le titre de vice-voïvode était supprimé. Un général autrichien, le comte Coronini, fut investi des pouvoirs civils et militaires. Les emplois furent confiés à des fonctionnaires allemands, la langue allemande fut imposée comme langue exclusive de l’administration[1]. La voïvodina était une province autrichienne avec un nom slave, rien de plus. En effet, elle ne comprenait qu’une fraction des Serbes de la monarchie, les confins subsistant à côté de la voïvodina, et on ne l’avait pas délimitée d’après les strictes limites de la population serbe, de sorte que les autres nationalités, principalement Roumains et Allemands, formaient, réunies, un total plus nombreux que le chiffre des Serbes.

Nous avons vu des Serbes de la principauté venir en 1848 faire campagne en Hongrie dans les rangs de l’insurrection serbe. Les événemens du Monténégro, en 1851-1852, montrèrent une fois de plus la solidarité de la race serbe tout entière. Des difficultés s’étaient élevées entre la Porte et le Monténégro et en vinrent à une lutte armée. Une sympathie active se manifesta chez les Serbes de Hongrie comme chez les autres tribus de la race serbe ; le gouvernement autrichien, y voyant une agitation panslaviste, la réprima énergiquement. Le journal serbe de Novi-Sad fut menacé de poursuites ; mais la Porte avait donné asile à des réfugiés hongrois : on changea d’attitude et encouragea secrètement les Monténégrins et leurs amis de Hongrie. De l’aveu du gouvernement autrichien, Stratimirovitch se rendit à Cettinje, et des volontaires serbes allèrent joindre l’armée monténégrine ; puis, la Porte ayant donné satisfaction au cabinet de Vienne, celui-ci fit volte-face et combattit de nouveau l’agitation slave en faveur du Monténégro. On arrêta l’évêque serbe de Bude et plusieurs personnages influens parmi les Serbes. L’apôtre de l’union illyrienne, Gaj, eut le même sort à Agram. C’était un spectacle analogue à celui auquel nous assistons aujourd’hui en Hongrie dans des circonstances semblables.

C’est dans les graves modifications constitutionnelles qui furent pour l’Europe et principalement pour la Hongrie la conséquence des

  1. Le gouvernement autrichien poussait la peur du panslavisme jusqu’à vouloir faire la guerre à l’alphabet cyrillique ou slavon en usage chez toutes les populations de rite oriental. « Ce n’est qu’à la date du 4 septembre 1860, dit M. Picot, que le journal officiel de Temesvár publia un arrêté portant qu’il serait permis aux habitans de remettre aux autorités des actes écrits avec les lettres cyrilliennes. »