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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 16.djvu/864

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défaites de 1859 et de 1866 que nous reprenons l’histoire des revendications serbes[1] ; mais le clergé n’est plus le seul représentant de la nation serbe, il s’est formé une bourgeoisie qui a pris la direction du mouvement national. C’est elle qui joue le rôle le plus important dans les événemens de ces quinze dernières années ; le clergé serbe est aujourd’hui tout à fait effacé. La lutte avec les Magyars recommençait plus ardente que jamais, car l’empire chancelant faisait appel au concours de ceux-ci, et c’était concession pour concession. Le 27 décembre 1860, une patente impériale réunissait la voïvodina à la Hongrie. En 1861, les Serbes ayant obtenu l’autorisation de tenir un congrès, revendiquent encore, avec l’obstination qui caractérise leur histoire en Hongrie, leur constitution et un territoire séparé, gouverné par un voïvode élu par eux, avec le serbe comme langue de l’administration et de la justice : en un mot, le privilège d’être dans la Hongrie ce que la Hongrie était elle-même dans l’empire. Il est inutile de remarquer que ce furent là de vaines revendications, et que les Serbes ne se préparaient que des déceptions. Dans ce congrès se distingue un homme jeune, ardent, intrépide, qui devait devenir le chef du parti serbe en Hongrie, Svétosar Milétitch. Les Magyars, en reprenant leur indépendance, entendaient reprendre en même temps leur domination sur les autres nationalités de la Hongrie. L’empereur, par un rescrit du 21 juillet 1861, avait invité la diète hongroise à faire une loi spéciale sur les nationalités ; la diète, dans sa réponse du 12 août, répondit qu’il n’était nullement besoin d’une loi semblable, que la législation de 1848 suffisait, et que les lois de 1830, de 1840 et de 1844 reconnaissaient la suprématie de la langue magyare. Le 21 août, la diète fut dissoute par l’empereur.

Les défaites de 1866 forcèrent l’empereur à faire de nouvelles concessions aux Magyars ; le dualisme partagea l’empire en deux états, l’un livré aux Allemands, l’autre aux Magyars. Dès le 19 novembre, la diète de Hongrie fut ouverte et reçut la promesse d’un gouvernement autonome. L’adresse par laquelle cette assemblée répondit

  1. Pour ne pas allonger outre mesure cette étude, nous ne raconterons pas l’histoire de la séparation des Roumains hongrois de l’église serbe, question purement religieuse. L’église de rite oriental en Hongrie relevait tout entière du métropolitain serbe sans distinction de nationalité. Dans le banat, les prêtres roumains étaient forcés de recevoir leur instruction dans les séminaires serbes, et les évêchés roumains de Bucovine et de Transylvanie relevaient du métropolitain serbe. A la suite de longues négociations entre les Roumains, les Serbes et le gouvernement de Vienne, eut lieu la séparation de l’église des deux nations, et le 24 décembre 1864 un rescrit impérial éleva l’évêché roumain de Transylvanie au rang de métropole. Après cela, on dut régler la question délicate du partage proportionnel des biens de l’église une jusque-là ; c’est seulement au congrès ecclésiastique de 1871 que cette question fut vidée. Ainsi disparut une cause de conflit entre les Roumains et les Serbes de Hongrie.