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ouvrir des écoles confessionnelles et les entretenir à leurs frais. C’était une liberté précaire, semée d’obstacles et de difficultés.

Ce fut la question principale débattue dans le congrès ecclésiastique que le patriarche serbe fut autorisé à convoquer en juin 1868. Par suite de la loi hongroise, l’enseignement populaire dans le sens national se trouvait indissolublement rattaché à l’organisation et à l’administration de l’église serbe. Le congrès se composait de délégués ecclésiastiques et de délégués laïques des communes. Le parti libéral ou de la Jeune-Serbie résolut, dût-il engager la lutte avec le haut clergé, de conquérir à l’élément laïque une part d’influence et de direction, et de consacrer à l’instruction les revenus des couvens. Inutile de dire que le clergé n’était guère disposé à de semblables sacrifices : le patriarche déclara qu’on voulait détruire l’église et supprimer le clergé, « séparer les fils de leur père et arracher les enfans à leur mère, l’église, qui les a engendrés par le Saint-Esprit et les a nourris du lait de sa bénédiction. » Les membres cléricaux s’étant retirés en masse, le patriarche déclara le congrès dissous comme n’étant pas en nombre. Ce patriarche mourut au commencement de 1870, de sorte que le congrès dut être convoqué pour lui donner un successeur. Les libéraux y avaient la majorité. Ils en profitèrent pour restreindre le domaine de l’autorité ecclésiastique.

Il nous faut dire un mot de ces résolutions, car, bien qu’en apparence elles ne traitent que de discipline ecclésiastique, elles ont une portée beaucoup plus grande. Elles montrent et consacrent l’émancipation de la nation serbe et le triomphe de la société civile sur une tradition théocratique ; elles montrent aussi l’habileté avec laquelle les Serbes tirent parti de l’autonomie religieuse que leur laissait la loi hongroise. Les évêques étaient jusque-là les représentans de la nation serbe ; le congrès réduisit aux questions purement dogmatiques la compétence des synodes épiscopaux. Les évêques étaient élus par les synodes, le congrès s’en réserva la nomination. La présidence du congrès appartenait de droit au patriarche, elle fut déclarée élective. En outre, le congrès s’attribua la faculté de choisir le patriarche même en dehors des évêques. Les évêques protestèrent contre ces mesures radicales ; la majorité du congrès passa outre, et elle décida que les délégués ecclésiastiques seraient nommés dorénavant non plus par le clergé, mais au suffrage universel, comme les délégués laïques. Le congrès se transformait ainsi en parlement populaire, en convention au petit pied, et l’on peut s’étonner que ses membres n’aient pas craint de donner au gouvernement de Pesth un prétexte pour dissoudre le congrès et peut-être même pour supprimer cette institution.

Le congrès renfermait le clergé dans l’église ; il voulut en même temps en régler la dotation, supprimer les bénéfices somptueux,