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grain au moyen de moulins à bras, presque tout le produit se distribuait en salaires. Si en établissant un moulin à vapeur il ne faut plus que le tiers des ouvriers employés auparavant, leur rémunération n’absorbera plus que le tiers du produit, et les deux autres tiers iront au capital. Les ouvriers que la machine aura rendus disponibles trouveront à s’employer ailleurs, et comme consommateurs ils profiteront en partie de la baisse du prix des produits qui résultera de l’emploi des engins mécaniques. Il est incontestable que le travailleur est aujourd’hui mieux nourri, mieux logé et mieux vêtu qu’autrefois. S’il est donc vrai que la totalité des salaires forme une part moindre du produit social, parce que le capital fixe, source de cet accroissement de production, prélève une part croissante, d’un autre côté, le sort du salarié s’est amélioré, parce que la concurrence fait profiter tous les consommateurs des progrès de la fabrication en ramenant le prix de vente des objets au niveau des frais de production.

Rodbertus fait une critique très spécieuse de la théorie de Ricardo d’après laquelle la rente naît de la nécessité de mettre en culture des terres de plus en plus rebelles. D’après lui, la rente naît tout, simplement de l’accroissement de la productivité du travail, et il y aurait rente quand même toutes les terres seraient également fertiles. Si un homme, en cultivant le sol, en tire plus qu’il ne lui faut pour subsister, ce surplus, il peut l’abandonner à un autre, et il devra le donner à celui qui est propriétaire de la terre, si lui-même ne l’est pas. Le propriétaire demandera le plus qu’il pourra ; ce que le locataire pourra lui payer dépendra de la quantité des produits obtenus, du prix de ces produits et des frais nécessaires pour les obtenir. La rente augmentera donc si à l’hectare on obtient plus de denrées, si ces denrées se vendent plus cher ou si on les produit plus économiquement. Il résulte encore une fois de ceci, d’après Rodbertus, que plus le travail agricole devient productif, plus la part du propriétaire augmente, et alors celle du cultivateur, restant la même, deviendra une fraction moindre du produit total. Dans ces déductions, qui renferment une part de vérité, Rodbertus n’a pas fait attention que, si le travail agricole rendu plus productif livre au marché plus de denrées, le prix de ces denrées baissera ; les consommateurs en profiteront, et la rente ne s’élèvera pas. Mill croyait même qu’en ce cas elle diminuerait. Ricardo a eu parfaitement raison de soutenir que la cause de l’augmentation de la rente est l’accroissement de la population, qui, réclamant plus de denrées alimentaires, en fait monter le prix. D’autre part, quand la terre ne manque pas, comme cela a lieu dans les pays neufs, le fermage est presque nul, quoique le travail soit très productif. La raison en est évidente : le cultivateur ne consentira pas à payer cher