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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 17.djvu/170

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avec la bravoure, le sang-froid et le dévoûment qui caractérisent le guerrier mexicain. On ne peut trop louer les efforts volontaires de don Arthur Poinsett, ancien lieutenant dans l’armée des États-Unis, qui, voyageant pour son propre compte, est venu cependant aider notre chef dans les efforts que lui prescrivait l’humanité. Les morts paraissaient avoir tous succombé à la faim, sauf un seul, une femme, qui fut évidemment victime d’un empoisonnement, Les corps dont on a pu constater l’identité sont ceux du docteur Devarges et de Grâce Conroy. »

En entendant citer son nom parmi ceux des morts, en voyant qu’aucune mention n’est faite de Philippe, l’infortunée, à demi folle, tombe évanouie aux pieds du commandant.

— J’aurai pitié de toi, pauvre enfant abandonnée, dit ce dernier ; qui a perdu une fille de son âge.

— Et elle sera bientôt mère ! s’écrie la servante indienne qu’il a appelée pour la secourir.

Le rapport, tout inintelligible qu’il paraisse, tant à Grâce qu’au lecteur, est plus facile à expliquer que beaucoup d’autres parties de ce roman quelque peu compliqué,.

La troupe d’exploration a rencontré en route un voyageur exténué que le chirurgien du corps a interpellé aussitôt comme son vieil ami le lieutenant Poinsett, bien que nous ne le connaissions, quant à nous, que sous le faux nom de Philippe Ashley, et Poinsett ou Ashley n’a pas eu le courage d’avouer qu’il s’était associé à une bande suspecte de vagabonds grossiers, ivrognes, mendians, voleurs, qui ont laissé sur leur passage la plus mauvaise réputation et qui ont fini par s’entre-dévorer. Tout naturellement on a jugé que le corps défiguré de Mme Dumphy trouvé dans la hutte des Conroy était celui de la sœur de Gabe, et l’ex-lieutenant n’a rien démenti, par orgueil. Bret Harte n’en paraît ni scandalisé, ni même très surpris, car il ne prend pas la peine d’exposer en détail les impressions et la lutte intérieure de son héros. Quant à la personne empoisonnée, c’est, on le devine, Mme Brackett, qui a déterré les prétendues provisions du docteur Devarges, une boîte d’échantillons minéralogiques, zoologiques et autres. Les oiseaux empaillés ont fait l’office d’arsenic.

Tout ce qui précède n’est qu’un prologue. A cinq ans de là, Bret Harte nous montre Gabriel et sa jeune sœur Olly installés à Une Horse-Gulch, un établissement minier qui promet, car il a déjà son hôtel et sa maison de tempérance, et son bureau de messagerie et ses salons ou cafés, plus deux carrés de constructions en bois qui donnent un grand air à la rue principale, et des groupes de cabanes sur le flanc des montagnes voisines. Jeune d’années, il est