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s’étendent au détriment des plus faibles, et, dans cette dernière hypothèse, est-il permis d’entrevoir celle à qui serait réservé l’héritage de la planète ? Nous avons vu les races latines ouvrir avec la découverte du Nouveau-Monde l’ère des émigrations ; mais, comme si elles eussent été épuisées par un si grand effort, elles cèdent insensiblement le pas aux races teutoniques, plus faites à la fatigue qu’exigent les durs travaux du défrichement, plus prolifiques, plus portées par la rigueur du climat à quitter le sol natal. Au XVIIe siècle, les Hollandais avaient supplanté les Portugais dans la plus grande partie des colonies que ceux-ci avaient fondées. Au XVIIIe siècle, ce fut l’Angleterre qui supplanta la France. Ce sont les diverses tribus de souche germanique qui, à l’heure qu’il est, marchent résolument par cette voie à la conquête du globe. Déjà de puissans courans d’émigration sillonnent les mers et les continens pour préluder à cette prise de possession ; déjà l’Amérique, l’Australie, les îles et les archipels du Grand-Océan ont reçu les premiers éclaireurs de l’armée envahissante. Que deviendront les races jaune, rouge, brune et noire devant ce flot toujours croissant ? L’histoire de la découverte et de la conquête du Nouveau-Monde nous montre que l’homme du désert recule devant le colon européen et disparaît à mesure que la civilisation prend pied sur son sol. Il est donc permis de poser en principe que les tribus inférieures s’éteindront à la longue devant les fortes races de l’Occident. Cependant il convient de mentionner deux exceptions : le nègre, protégé par les ardeurs de l’Afrique équatoriale, et le rameau oriental de la famille jaune, le seul qui puisse affronter le courant européen sans se laisser absorber. Cette infraction à la loi commune s’explique peut-être moins par la densité de la population et par les fortes qualités physiques des peuples mongols que par leur développement cérébral, qui leur a permis d’atteindre cette cohésion qui fait la force des nations policées. Nos préjugés de race ne nous permettent guère d’apprécier d’une manière équitable les habitans de l’Asie centrale et de l’extrême Orient, de sorte que nous n’avons presque toujours sur eux que des notions incomplètes et souvent fausses. Nous professons à leur égard le dédain superbe qu’ils montrent pour ceux qu’ils appellent « les barbares de l’Occident, » au lieu de nous demander si au fond de cette civilisation dont nous ne connaissons que les dehors, il n’existe pas quelque indice d’énergies latentes prêtes à se développer au contact des tribus supérieures de la famille aryenne. Le Chinois n’est à nos yeux qu’un peuple destiné à végéter dans une éternelle enfance par suite d’un arrêt de développement qui l’aurait frappé dans 4a première phase de son évolution. Cette manière de voir semble, il est vrai, justifiée par tout ce que