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du jour : les démocrates avaient la majorité, et ils en usèrent. Il n’y eut point de débat sur la résolution elle-même, qui fut votée par 250 voix, comprenant tous les démocrates et une moitié environ des républicains : 18 représentans seulement, 10 du sud et 8 du nord, votèrent contre ; une vingtaine se tirèrent d’embarras en quittant la salle avant l’appel de leur nom. M. Blaine fut du nombre, faisant voir ainsi à quel point le mécontentement du président lui paraissait redoutable. Cependant le président ne sembla point s’émouvoir de cette démonstration parlementaire ; c’était le peuple, et non les députés, qui disposait de la suprême magistrature.

C’était donc sur l’opinion qu’il fallait agir. Aussi bien les démocrates avaient-ils peu de chose à attendre des voies législatives tant que les républicains, maîtres de la majorité dans le sénat, pourraient faire avorter toute mesure qu’ils jugeraient contraire aux intérêts de leur parti. Les démocrates ne réussirent même pas à faire voter par la chambre un bill d’amnistie qui restituait les droits politiques aux personnes, au nombre d’environ treize cents, qui en étaient encore privées ; ils ne purent, faute de quelques voix, réunir la majorité des deux tiers, qui était nécessaire. Ils avaient repris la rédaction d’un bill présenté à cet effet dans la session précédente par le parti républicain, et qui n’avait pu, faute de temps, être voté définitivement. Les républicains n’hésitèrent pas à se tourner contre leur œuvre, sous prétexte que le bill avait pour but d’amnistier Jefferson Davis et de préparer la rentrée dans la vie publique de l’ancien président des confédérés, de l’auteur principal de la guerre civile, de l’instigateur des massacres d’Andersonville. M. Blaine prononça à cette occasion un discours éloquent, mais d’une violence extrême et calculée, où il prenait à tâche d’évoquer les souvenirs les plus douloureux de la guerre civile et de réveiller toutes les animosités. Il ne manqua point son but, car aucun conseil, aucune instance, ne purent empêcher un représentant de la Géorgie, M. Hill, ancien officier dans l’armée confédérée, de glorifier la cause qu’il avait servie et de diriger contre les populations du nord les accusations les plus outrageantes. On eut beaucoup de peine à arrêter ce débat irritant. L’explosion de colère que le discours de M. Hill souleva dans toute la presse du nord prouva que M. Blaine connaissait bien l’esprit de ses compatriotes, et qu’il avait manœuvré juste, s’il voulait réveiller les haines assoupies et faire de l’élection présidentielle une lutte entre le nord et le sud. Cette affectation de présenter les résultats de la guerre civile comme remis en question par la présence d’une majorité démocratique dans la chambre, ces appels à la vigilance et à la persévérance des défenseurs de l’unité nationale parurent une tactique si habile, qu’un autre candidat à