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la présidence s’empressa de l’adopter. M. Morton, sénateur de l’Indiana, ayant à faire un rapport sur les conflits qui avaient éclaté dans le Mississipi, prononça contre. le sud un réquisitoire qui remplit deux séances, et dans lequel il présenta les blancs comme étant à l’état de conspiration permanente contre les lois et comme uniquement préoccupés d’exterminer la population de couleur.

Ainsi chacun faisait choix de son terrain. Le président faisait appel au fanatisme religieux. M. Blaine et M. Morton présentaient le triomphe électoral du parti républicain comme indispensable à la consolidation de l’unité nationale et au salut de la race noire. Les républicains libéraux déclaraient lutter contre le despotisme militaire et l’abus du patronage administratif. Les démocrates adoptèrent pour programme la réduction des dépenses publiques, la poursuite et la punition des concussionnaires, la réforme de l’administration fédérale. En majorité dans la chambre des représentans, ils résolurent de réduire considérablement tous les crédits demandés par les ministres : peu importait que le sénat rejetât ou fît échouer la plupart de ces réductions ; les démocrates auraient aux yeux du pays l’honneur d’avoir proposé des économies, et le sénat la responsabilité de les avoir repoussées. Les diverses commissions entre lesquelles la chambre se partagea se mirent aussitôt à l’œuvre pour contrôler, par des enquêtes publiques, l’emploi des budgets antérieurs. On scruta minutieusement la conduite des ministres et de tout l’entourage du président.

C’est par là que le général Grant était vulnérable. L’intégrité personnelle du président est au-dessus de tout soupçon. A quelques écarts que la haine, le ressentiment ou l’esprit de parti aient entraîné certains orateurs et certains journaux, jamais personne n’a cru sérieusement le général Grant capable de tremper dans un trafic honteux, ou de fermer volontairement les yeux sur un acte indélicat ; mais l’amour qu’il a laissé voir pour l’argent, sa faiblesse excessive pour ses proches et le faux point d’honneur qu’il s’est fait de soutenir ses amis envers et contre tous, en attribuant uniquement à l’animosité politique des accusations malheureusement trop fondées, ont mis pendant quelque temps les apparences contre lui et ont autorisé d’injurieux soupçons.

On peut croire que le parti démocratique n’eût pas manqué de distinguer entre le président et son entourage, au lieu de les confondre dans les mêmes attaques, s’il n’avait cru combattre dans le général Grant le plus redoutable des candidats au pouvoir. On remontait au contraire jusqu’aux premiers jours de son administration pour rappeler les actes de népotisme qui lui avaient été reprochés, — les emplois lucratifs qu’il avait distribués entre ses