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en majorité dans la chambre, ils ont trouvé moyen de faire encore 30 millions de dollars d’économies sur le dernier budget républicain. Ce ne peut manquer d’être un titre sérieux en leur faveur aux yeux des contribuables, c’est-à-dire des électeurs.

Aussi les républicains ont-ils senti la nécessité de ramener la question de l’administration du sud sur le premier plan. Tel a été l’objet d’un débat qu’ils ont soulevé dans les dernières séances du congrès. L’occasion leur en a été fournie par un incident déplorable, qui s’est produit le 8 juillet à Hamburg, petite ville de la Caroline du sud. Une compagnie de miliciens nègres paradait dans les rues de cette ville lorsqu’elle se trouva tout à coup en face d’une voiture découverte où étaient deux ou trois blancs. La rue où avait lieu cette rencontre était assez large pour permettre à une voiture de passer à droite ou à gauche des miliciens ; mais les blancs qui étaient dans la voiture ne voulurent prendre ni d’un côté ni de l’autre et prétendirent garder le milieu de la rue. Une altercation s’ensuivit, puis les miliciens, après avoir demandé les noms des personnes qui étaient dans la voiture, prirent un côté de la rue et laissèrent les blancs poursuivre leur route comme ils le désiraient. Le lendemain, dès la première heure du jour, on vit arriver de tous côtés à Hamburg une foule de blancs armés jusqu’aux dents. Les miliciens noirs, inquiets, se rassemblèrent au lieu habituel de leurs réunions ; ils ne tardèrent pas à s’y voir cerner et à recevoir une sommation d’avoir à livrer leurs armes. Après avoir parlementé longtemps et sur la menace qu’on ferait sauter la maison où ils étaient réunis, ils s’y décidèrent. A peine étaient-ils désarmés qu’on en prit quelques-uns dont les noms étaient portés sur une liste et qu’on les fusilla immédiatement. Les autres s’enfuirent dans toutes les directions ; quelques blancs les poursuivirent à coups de fusil et en tuèrent ou blessèrent un certain nombre.

Rien n’est moins excusable que la conduite des blancs, et jusqu’ici aucun prétexte n’a été allégué pour justifier cette horrible boucherie. Les républicains n’ont pas manqué de l’invoquer comme la preuve qu’il y a, chez les blancs du sud, un parti-pris de ne permettre aux nègres l’exercice d’aucun de leurs droits, et qu’on veut, en intimidant les nouveaux affranchis par des massacres systématiques, les empêcher de s’associer, de former des compagnies de milice et de prendre part aux élections. On s’est demandé ce qu’allait faire le gouverneur de la Caroline du sud, M. Chamberlayn, qui passe pour un homme intègre et énergique, et si, vu le flagrant délit, il ordonnerait l’arrestation des coupables ; mais le gouverneur n’a point osé mettre à cette épreuve la population blanche de Hamburg : il est allé à Washington se consulter avec le