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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 17.djvu/371

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le règne d’Éric à la hache sanglante, le détestable fils du sage Harald aux blonds cheveux. Profitant de la faiblesse dans laquelle le royaume de Norvège était tombé pendant qu’Éric était occupé à assassiner ses frères l’un après l’autre, les Danois avaient fait butin du pays autant qu’ils avaient pu, puis lorsqu’Éric eut été chassé par ses sujets et qu’il fut mort en exil, ils haussèrent leurs prétentions et les portèrent sur le pays même. La veuve d’Éric avait fait adopter son fils aîné par le roi Harold à la dent bleue ; ce fut là le prétexte et l’occasion de continuelles ingérences dans les affaires de Norvège pendant tout le règne du plus jeune fils d’Harald Haarfagr, Hakon le Bon, celui-là même que nous avons vu adopter par le roi saxon Athlestan. Hakon finit par succomber sous ces invasions des fils d’Éric, incessamment répétées, et après sa mort le vieux roi de Danemark eut plus que jamais la main dans les affaires de la Norvège, grâce à une circonstance qui ne manquera jamais de se présenter dans tout pays qui aura subi pendant un certain temps l’ascendant d’un voisin puissant. Cette circonstance, c’est que le Danemark devint le refuge de tous les mécontens de Norvège, et, ce qui est pis, l’auxiliaire de toutes les victimes qu’il avait aidé à faire et le vengeur de toutes les haines qu’il avait contribué à engendrer. Le personnage qui va tout à l’heure nous occuper, Hakon-Jarl, en fut un mémorable exemple. Il était fils d’un ministre de Hakon le Bon, Sigurd, jarl de Trondhjem, mis à mort par les fils d’Éric après la mort du roi qu’il avait honnêtement servi. Hakon se réfugia en Danemark, et là il combina les voies et moyens d’une des vengeances les mieux conçues et les moins banales que nous ayons jamais rencontrées dans aucune histoire. Le roi Harold à la dent bleue avait un certain cousin, nommé également Harold, qui avait si lucrativement exercé le métier de viking qu’il s’était acquis le surnom de riche. Cet Harold le Riche était une véritable épine pour son cousin le roi à la dent bleue, à qui il avait eu la témérité de demander une part de son royaume. « Pourquoi donc, suggéra Hakon au roi de Danemark, ne pas employer cet importun personnage à renverser le roi de Norvège Harald à la fourrure grise, et une fois qu’il vous aura rendu ce service ne pas le supprimer lui-même ? » Le conseil fut jugé bon, et alors Hakon, qui trouva dans sa fourberie profonde des ressources suffisantes pour jouer les trois princes à la fois, s’en alla vers Harold le Riche, le viking aux prétentions téméraires, et lui insinua d’agrandir son ambition. Pourquoi pas un royaume tout entier, celui de Norvège par exemple, au lieu d’une part de royauté en Danemark ? Harold le Riche prend à l’hameçon qui lui était tendu avec toute la gloutonnerie d’un corsaire : « Eh bien ! conclut Hakon, apprêtez une flottille de guerre, et attendez le signal que je vous donnerai. » Cela dit, il arrange,