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pût trouver dans toute cette ville. — Ah ! roi, dit Thorarin, il y a peu de choses dont on ne puisse trouver les pareilles en bien cherchant. Je parie, avec ta permission, roi, que je t’en trouverai un plus laid. — Je tiens le pari, dit saint Olaf. » Là-dessus Thorarin tire son autre pied. « Il est encore plus laid, car il a perdu le petit doigt. — J’ai gagné, crie Olaf, car le moins il y a d’une chose laide et moins laide elle est. » Cela est mieux fait pour être apprécié dans une chaumière, pendant une veillée d’hiver, au milieu des gros rires, que dans une réunion de choix plus délicat ; mais quoi ! nous sommes au commencement du XIe siècle, et en Norvège, pays où les mêmes mœurs familières et rustiques étaient également partagées par les rois et les paysans.

Bien qu’il eût été épousé par amour lorsqu’il résidait en Irlande, le roi Olaf ne fut pas heureux avec les femmes. Nous ne savons comment la première, l’Irlandaise, se conduisit à son égard, mais celles qui lui succédèrent lui firent une vie passablement difficile, et il finit par mourir de leurs ambitions et de leurs vengeances. De terribles personnes que ces beautés du Nord, qui, pour l’énergie barbare, valaient leurs maris et leurs frères ! Si forte était cette barbarie que nous la voyons persister dans tous les pays où la race Scandinave s’était établie, notamment en Normandie, longtemps après la conquête ; il n’est certainement pas un lecteur de l’Histoire de Normandie d’Orderic Vital qui ait oublié les femmes de la sauvage famille des Talvas, les Sibile et les Mabire avec leurs passions homicides et leurs pommes empoisonnées. Celles auxquelles eut affaire Olaf étaient précisément de ce calibre. Un jarl païen récalcitrant, du nom fort rébarbatif de Jarnskaegg, ayant été tué par les gens du roi pour résistance à ses volontés, Olaf, en galant homme, voulut épouser sa fille en manière de réparation. C’était du reste une coutume fort en honneur dans les pays Scandinaves ; quand on tuait le père, on dédommageait la fille en l’épousant. Il semblerait à la logique vulgaire que ce ne devait pas être là une condition d’heureux ménage, mais les moralistes l’ont dit depuis longtemps, diverses sont les mœurs des nations, insondable est le cœur féminin, et il paraît au contraire que le cas de Chimène et de Rodrigue se renouvela fréquemment dans ces régions Scandinaves. M. Dasent en a présenté un exemple dans un épisode de ses Vikings, l’amour du jeune Vagn pour la belle Ingibeorg dont il a tué le père, épisode que nous avons passé sous silence, parce qu’il constitue la partie purement romanesque de son récit. Cependant la chose tourna moins bien pour Olaf qu’elle n’avait tourné en d’autres occasions, car le matin de sa nuit de noces, au moment où il rouvrait les yeux, il aperçut sa peu reconnaissante épouse brandissant un