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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 17.djvu/427

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par le droit féodal, par la nécessité quotidienne et par la coutume, pour songer à envoyer ses fils en des fermes-écoles, s’il s’en fût alors établi.

Ce n’est que dans la seconde partie du XVIIIe siècle que l’on commence d’agiter la question de l’enseignement agronomique. Cette idée même que l’agriculture est une science que le concours des autres sciences peut transformer, cette idée d’une instruction progressive substituée à l’immuable routine, ne se répand qu’à cette époque. On est à la veille de la révolution, qui s’élabore et déjà fermente dans les esprits. Partout éclate l’ardeur des réformes ; c’est le temps des projets audacieux et des espérances sans limites. Il s’agit de refaire jusqu’en ses fondemens tout l’édifice social. Le siècle, en vieillissant, passe de la littérature aux sciences ; aux philosophes succèdent les économistes, et ces nouveaux penseurs, Quesnay et les physiocrates, voient dans la production agricole la première source de richesse des états. En même temps les sciences naturelles prennent leur essor, qui sera prodigieux ; la physique étonne par ses découvertes, la chimie moderne est fondée. De ce jour-là, l’enseignement agricole a eu sa raison d’être, car de ce jour-là aussi l’agriculture allait entrer dans une période nouvelle. L’application des inventions de la science au travail humain, la substitution des appareils mécaniques aux opérations manuelles, allaient ouvrir à l’agriculture, comme à l’industrie, une carrière où elle n’a fait aujourd’hui même que les premiers pas. Le fondateur de la chimie le sentait bien : Lavoisier se hâtait d’appliquer à l’agriculture cette science qu’il créait ; il donnait l’exemple, réalisant sur ses domaines du Vendomois les résultats de ses découvertes.

Tandis que le législateur affranchissait le travail rural des servitudes de l’ancien régime, les agronomes, l’abbé Rozier, Sylvestre, Cels, Tessier, et Talleyrand lui-même à la constituante, proposèrent tour à tour des plans qui organisaient l’enseignement agricole. En 1795, le duc de Béthune-Charost présente à la convention un projet d’ensemble. Thibaudeau propose la fondation d’une ferme expérimentale aux portes de Paris ; l’abbé Grégoire publie un projet de décret tendant à instituer une école d’économie rurale dans chaque département. Gilbert fait à l’Institut national un rapport relatif à un projet d’établissement de même nature. Huzard propose la création d’une école générale à la ferme de Rambouillet. Enfin, en 1800, François de Neufchâteau publiait, un mémoire remarquable qui contenait l’exposé d’un système déjà très complet : fermes expérimentales, chaires d’économie rurale dans les écoles centrales et universités, trois grandes écoles à répartir dans les trois principales régions culturales de la France.