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argumens futiles et misérables on prétendait justifier un tel acte. L’auteur du décret déclarait que l’institut entraînait des dépenses supérieures aux avantages qu’il pouvait offrir, que son enseignement « trop élevé » était en disproportion avec les besoins réels de notre agriculture ; il estimait en outre le séjour de Versailles fort dangereux et présentant « des inconvéniens graves pour de jeunes agriculteurs, auxquels il importe de donner une éducation appropriée aux goûts simples et à la vie modeste des campagnes. » Il concluait enfin par ce hardi paradoxe, que « la suppression de l’institut fortifierait l’enseignement professionnel agricole » en permettant au gouvernement de partager entre les écoles régionales les animaux, machines et collections, c’est-à-dire les dépouilles de l’établissement sacrifié !

Telle était cette mesure, que des amis éclairés de l’agriculture ont pu, non sans raison, appeler un crime. Que le domaine annexé à l’institut de Versailles eût donné lieu à des dépenses exagérées et regrettables, était-ce une raison pour en punir l’institut même en le supprimant ? La plupart de ces dépenses, une fois faites, n’étaient plus à recommencer, et on leur devait du moins des conditions d’installation précieuses. En tous cas, il fallait conserver l’institution en l’amendant : on trouva plus simple de la détruire. On frappait sans pitié, après moins de deux ans d’existence, cette admirable école, si pleine de promesses ; on dispersait ses richesses, on licenciait cette élite de maîtres. Tronquée, découronnée, l’instruction rurale désormais allait être réduite aux écoles régionales, aux fermes-écoles, et, çà et là, à quelques cours nomades du à des chaires isolées. Ces branches diverses n’en furent point fortifiées ; Grignon seule a pu y gagner. En réalité, les écoles régionales et les fermes-écoles furent profondément atteintes du coup qui abattait la tête de l’enseignement agronomique ; elles ont traîné dès lors une existence chétive, d’une utilité sans cesse contestée. Examinons ce qu’elles furent durant cette longue période, ce qu’elles sont aujourd’hui même, ce qu’elles pourraient et devraient être.


II

Qu’est-ce que la ferme-école ? Le législateur de 1848 la définit ainsi : « La ferme-école est une exploitation rurale conduite avec habileté et profit, et dans laquelle des apprentis, choisis parmi les travailleurs et admis à titre gratuit, exécutent tous les travaux, recevant, en même temps qu’une rémunération de leur travail, un enseignement essentiellement pratique. » C’est l’école primaire de l’agriculture, destinée à des fils de paysans, d’ouvriers agricoles ;