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recevrez une trentaine d’apprentis ; vous les entretiendrez, vous les instruirez pratiquement, sous mon contrôle. En échange de ce service, vous recevez un traitement de 2,400 francs, et pour chaque apprenti une somme de 270 francs, qui, jointe aux travaux qu’il exécute, vous indemnise de ce qu’il vous coûte. Vous nommerez, mais l’état paiera votre personnel enseignant. L’état assurera également des primes de sortie à vos travailleurs. En un mot, il se charge des maîtres et des élèves, il vous laisse les profits et les dépenses de votre domaine ; vous le gérez à vos risques et périls, comme un exploitant ordinaire. »

Tel est le principe du contrat qui intervient entre les particuliers et l’administration ; telle est la base de l’organisation de toute ferme-école. Ce régime a le grand mérite de n’engager le budget de l’état que dans la limite des frais d’enseignement et d’entretien des apprentis, de le soustraire aux aventures périlleuses ; mais il a aussi, ce semble, un grave inconvénient, que nous sommes surpris de ne point voir signalé dans les travaux critiques des membres les plus éclairés de l’administration. La constitution même de ces établissemens renferme un vice essentiel : l’instabilité. Rien de moins durable, rien de plus changeant et de plus précaire qu’une ferme-école. Elle naît ici ou là, prospère ou languit, subsiste ou meurt, le tout au hasard ou peut s’en faut. Nous l’avons vu, c’est un domaine comme un autre, possédé et dirigé par un simple particulier à qui l’administration alloue une subvention en échange des avantages et des droits qu’elle stipule. Que résulte-t-il de là ? Si le directeur fait de mauvaises affaires, s’il meurt, s’il lui plaît de se retirer, voilà une ferme-école qui disparaît, et l’état n’y peut rien : il n’a aucun moyen de la remettre en d’autres mains, de la relever, de la faire vivre. On conçoit aisément combien un pareil état de choses est défectueux et préjudiciable au crédit, à l’influence et aux progrès mêmes d’un établissement sans fixité, sans traditions, sans avenir certain, qui hier a surgi et demain peut-être aura disparu. Est-il bon qu’une institution bienfaisante, prospère, avantageusement placée, bien vue de la région environnante, puisse manquer soudain à cette région, que son existence dépende de la vie ou de la volonté d’un individu, parfois des circonstances les plus futiles ? Nous admettons qu’il y ait là une question difficile à résoudre ; est-ce une raison pour s’en détourner ? Serait-il donc impossible de trouver une combinaison différente qui, sans compromettre les intérêts du trésor, satisferait à ce besoin de durée et de fixité si nécessaire au prestige et au succès de toute œuvre ? Par exemple, si l’état était propriétaire des domaines où les écoles seraient fondées, les affermait à un locataire