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de Platon, de Leibniz, de tous les chefs anciens et modernes de l’école spiritualiste, ou immanente, c’est-à-dire inhérente à la nature, ainsi que l’ont pensé Bruno, Schelling, Hegel ? Nous ne parlons pas de Spinoza, qui ne croyait point aux causes finales. Enfin est-elle consciente, comme le pensaient les premiers, ou inconsciente, comme ont paru le croire les seconds ?

Nous ne pouvons suivre M. Janet dans la discussion très serrée à laquelle il se livre sur les diverses hypothèses imaginées en réponse à ces trois questions. Il nous suffira d’en résumer les conclusions. Quant à l’hypothèse kantienne de la finalité subjective, il fait une distinction. Il accorde à Kant qu’il y a quelque chose de subjectif dans le principe de finalité ; c’est le caractère inductif, résultant de l’analogie. Déjà il avait fait observer précédemment que ce principe n’a ni la même nécessité logique, ni la même évidence intuitive que le principe de causalité. En revanche, le principe de finalité est objectif, au même titre que toutes les hypothèses inductives qui atteignent au plus haut degré de probabilité. Il est bien entendu que cette distinction est relative au principe de finalité seulement, quelle qu’en soit la cause, et non à la cause finale elle-même, sur l’existence et l’action de laquelle il n’a pas encore eu à s’expliquer. Quant à la doctrine de la cause finale immanente, M. Janet procède encore par une distinction entre la finalité proprement dite et la cause finale. La finalité des œuvres de la nature n’est pas, comme celle des œuvres humaines, extérieure à l’œuvre elle-même ; elle y réside comme un principe interne et immanent. En est-il de même de la cause finale ? L’immanence de la finalité est une vérité d’analyse, tandis que l’immanence de la cause finale n’est qu’une hypothèse. Dans la nature, tout est réuni en un seul et même être ; la fin se réalise elle-même ; la cause atteint sa fin en se développant. L’image de ce développement est dans la graine qui contient tout l’être qu’elle doit réaliser. Elle atteint sa fin sans sortir d’elle-même. De cette finalité immanente est-il possible de conclure à une cause immanente de la finalité ? Ce serait mettre dans la conclusion ce qui n’est pas dans les prémisses, car c’est dire que toute cause qui poursuit des fins spontanément et intérieurement est par là même une cause première. Sur ce point grave et difficile, M. Janet fait ses réserves ; il va bien jusqu’à reconnaître que l’opposition de la transcendance et de l’immanence est loin d’être aussi absolue en réalité qu’elle le parait aux philosophes allemands. Avec la finesse d’analyse qui lui est habituelle, il fait remarquer qu’il n’y a pas de doctrine de transcendance qui n’implique en même temps quelque présence de la cause suprême dans le monde et, par conséquent, quelque immanence, de même qu’il n’y a pas de doctrine d’immanence qui n’implique quelque