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invoquer comme preuve de fait que les expériences de sélection artificielle faites par l’industrie de nos éleveurs de plantes et d’animaux. Seulement ces preuves ne seront décisives que le jour où l’éducation aura produit, dans le règne animal spécialement, non pas simplement des variétés de plus en plus différentes de leurs types originels, mais de véritables espèces, telles que la science les reconnaît et les définit dans ses classifications.

Quoi qu’il en soit de l’avenir de ces diverses hypothèses, on peut affirmer que le principe restera, de même que la méthode qui doit le faire prévaloir, dans toutes les explications qui auront désormais l’origine des choses pour objet. La doctrine de la création, universelle ou spéciale, perd de plus en plus tout crédit dans le monde de la science et même de la philosophie, bien moins devant les progrès croissans des doctrines de l’évolution et du transformisme que devant, les répugnances de plus en plus fortes de l’esprit scientifique et de l’esprit philosophique. Et comment ces répugnances ne deviendraient-elles pas invincibles pour une doctrine qui répond à toute question d’origine par un mystère ? Qu’est-ce autre chose en effet que l’idée inintelligible de la création, de la création universelle, comme de toutes les créations spéciales ? Qu’il s’agisse de l’origine du monde ou de l’origine d’une espèce quelconque, comment veut-on que la science et la philosophie ne finissent point par se détacher d’une explication qui n’en est pas une, en ce qu’elle ne se fonde sur aucune analogie ? Hypothèse pour hypothèse, elles préféreront toujours celle qui peut se faire comprendre par des exemples. C’est donc en vertu d’une loi de l’esprit humain que l’idée de l’évolution tend à se substituer partout à l’idée de révolution et de création dans l’explication des phénomènes de l’histoire et de la nature. Cette loi, c’est que l’imagination se retire de plus en plus devant la raison, la fiction psychologique, toute subjective, devant la notion expérimentale et objective. Voilà pourquoi l’avenir est à la philosophie de l’évolution, quels que soient les tâtonnemens et les bégaiemens, si l’on veut, des écoles qui la. professent. Ni la métaphysique, ni la théologie elle-même ne pourront longtemps s’en défendre. Et pourquoi s’en défendraient-elles ? Le mystère n’a jamais profité à la vérité. L’univers, tel que nous le fait voir la science, n’en témoigne que plus haut de la puissance, de la bonté, de la sagesse infinie de la cause qui le produit éternellement et incessamment.


IV

La science en a fini, nous le croyons, avec la doctrine du surnaturel et des créations absolues. Elle en finira également avec la