depuis la seconde moitié du XVIIIe siècle dans un certain nombre de faits et d’écrits. On trouvera cette doctrine, par exemple, dans l’Éducation du genre humain, de Lessing : partant de l’idée que la révélation a déjà franchi deux phases, l’Ancien et le Nouveau-Testament, il conclut que la religion est progressive, et qu’une troisième phase est prochaine. Ce petit écrit de Lessing, traduit par Eugène Rodrigues, frère d’Olinde, a été l’une des autorités de l’église saint-simonienne, et c’est ce qui le fit connaître en France. Dans la révolution même, on avait vu plusieurs tentatives pour fonder une religion nouvelle, en harmonie avec les lumières modernes. Je ne parle pas du Culte de la Raison, qui n’était que la religion de l’athéisme, mais du culte de l’Être suprême, que Robespierre avait essayé d’établir, et qui était le déisme de Jean-Jacques Rousseau. A côté de cette tentative quasi officielle, il faut rappeler la secte des théophilanthropes, plus ou moins protégés par Robespierre lui-même, et à laquelle appartenait l’un des premiers directeurs, La Révellière-Lépaux. Aux théophilantropes se rattachent les illuminés ou mystiques, dont le représentant allemand était Weishaupt, et qui, rattachés aux francs-maçons, aux rose-croix, sont considérés par quelques écrivains, l’abbé Barruel, Monnier, comme ayant été les instigateurs secrets de la révolution française. En France, les illuminés trouvèrent un chef éminent dans un esprit supérieur, malgré sa bizarrerie, Saint-Martin, le philosophe inconnu, pour qui la révolution française tout entière n’avait été qu’une révolution religieuse, ayant pour but d’amener le règne de la vraie religion, du vrai christianisme, c’est-à-dire d’une religion spirituelle dont les dogmes étaient les plus vagues du monde. Le comte J. de Maistre, qui avait connu Saint-Martin, en reçut cette idée d’un vaste renouvellement religieux qui devait s’opérer dans l’Europe entière, et qui amènerait la réunion de toutes les églises chrétiennes, et cette prédiction, développée avec enthousiasme dans une page éloquente des Soirées de Saint-Pétersbourg, était une des prophéties que les saint-simoniens aimaient le plus à rappeler. Un autre écrivain distingué, appartenant à l’école néo-religieuse, Ballanche, était également cher aux saint-simoniens pour sa doctrine de la Palingénésie sociale, où ils croyaient retrouver un pressentiment de leur doctrine. En général, l’école saint-simonienne, une fois sous la direction d’Enfantin, eut beaucoup plus d’affinité avec l’école théocratique qu’avec l’école libérale. Il recommandait particulièrement Bonald, de Maistre, Lamennais, Ballanche, les louait surtout de relever et de défendre le principe de l’autorité, de la hiérarchie, de l’obéissance. Enfin, pour n’omettre aucun des antécédens historiques de la tentative religieuse du saint-simonisme, rappelons encore un article célèbre du Globe, lorsqu’il était
Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 17.djvu/607
Apparence