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et commerciaux du Japon avec l’Europe. Ce qui frappe à la lecture du traité, c’est l’idée deux fois répétée (art. 3 et 7) qu’en cas de difficultés survenues entre un étranger et un indigène la question doit être réglée par les autorités consulaires, qui se mettent d’accord avec les autorités japonaises ; il n’y a pas d’autre solution prévue, ni régulièrement possible. Cela revient à dire que les ministres résidens ont forcément mille réclamations à faire à chaque instant aux ministres japonais, et que ceux-ci, quand ils ne réussissent pas à décourager la patience de leurs solliciteurs, sont obligés de céder. S’agit-il d’un intérêt collectif, l’action des légations devient solidaire, et leur influence généralement décisive. Elles exercent ainsi en commun sur le gouvernement auprès duquel elles sont accréditées, une sorte de tutelle tacite, qui, pour n’être pas inscrite en toutes lettres dans le traité, n’en résulte pas moins de la nature des choses. Si indolentes que soient parfois les mains qui tiennent ce joug paternel, il est impatiemment supporté par les Japonais ; leurs tentatives détournées pour s’y soustraire ne servent qu’à en mieux accuser le caractère à la fois tempéré et inéluctable, et leur chimère la plus caressée est de rejeter une autorité que l’Europe est toute prête à déposer dès qu’elle en croira le moment venu ; mais ce moment doit être signalé par certains progrès qui n’ont pas encore paru suffisamment constatés. Jusque-là on hésite à traiter sur le pied d’égalité une nation qui a longtemps regardé toutes les autres comme des ennemies ; la politique du Japon, depuis qu’il a été forcé d’ouvrir ses ports aux étrangers, consiste à se présenter à l’Europe comme converti au progrès, comme enthousiaste des idées modernes, et à demander en conséquence à entrer de plain-pied dans le concert européen ; mais ce zèle de néophyte semble un peu suspect à une vieille diplomatie placée déjà tant de fois aux prises avec les Orientaux, sachant qu’avec eux toute concession est une faiblesse, que toute promesse non garantie est bien vite éludée. Ainsi se poursuivent, à travers un antagonisme décidé, des relations pacifiques, mais souvent tendues ; il n’est pas difficile d’entrevoir le jour où le Japon, se sentant ou se croyant assez fort pour repousser toute ingérence européenne, revendiquera son indépendance sur un ton qui n’admettra d’autre réplique qu’une rupture ouverte.

Au cours de ce conflit permanent, il est deux questions qui reviennent sans cesse dans les conférences comme dans la presse locale, soit indigène, soit européenne : la juridiction et l’ouverture complète du pays. Sur la première, les Japonais ne se lassent pas de réclamer l’égalité internationale ; de même qu’ils sont soumis aux lois et aux tribunaux européens, quand ils sont en Europe, de même les étrangers, disent-ils, doivent au Japon accepter l’empire