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LE PROCÈS DE GALILÉE

adresse à ses juges, tous ses raisonnemens ; on y trouve notés avec une froide précision tous les mouvemens qu’il fait, et jusqu’aux soupirs, jusqu’aux cris de douleur qu’il pousse, pendant qu’on le torture. « Il a été élevé sur la corde, écrit tranquillement le greffier, et pendant qu’il était suspendu, il s’est mis à crier à haute voix : Ô Seigneur Dieu, miséricorde ! Ô Notre-Dame, viens à mon aide, à plusieurs reprises, en se répétant ; puis il s’est tu et, après avoir ainsi gardé le silence un instant, il s’est mis à crier de nouveau : Ô Dieu ! ô Dieu ! »

Si Galilée avait été soumis à cette épreuve, le procès-verbal en serait certainement conservé parmi les pièces du procès. Il paraît également inadmissible que l’examen rigoureux ait eu lieu en l’absence du greffier, ou que le greffier, s’il y assistait, n’en ait point fait mention sur son registre. C’eût été absolument contraire à tous les précédens et à toutes les règles. On ne supposera pas non plus que l’agent du saint-office ait supprimé le procès-verbal de la torture pour se soustraire, lui et ses chefs, à l’indignation de la postérité. Ce serait transformer gratuitement un personnage obscur et irresponsable en un philosophe humanitaire qui devance le jugement des siècles et déchire à dessein une page douloureuse de l’histoire. Voici, suivant toute vraisemblance, ce qui dut se passer : d’après tous les traités de droit inquisitorial, le commissaire était autorisé à n’infliger la torture ni aux vieillards, ni aux malades qui eussent couru le danger de perdre la vie pendant le supplice. Le grand âge de Galilée, ses infirmités aggravées encore par tant d’angoisses morales, le plaçaient naturellement dans la catégorie des accusés qui échappaient à la torture. Si cette redoutable épreuve lui a été épargnée, M. Dominique Berti en attribue tout le mérite à l’humanité du commissaire ; il semble même supposer que, sans l’intervention bienveillante du père Vincent Macolano, le souverain pontife et la congrégation du saint-office auraient livré au bourreau les membres de Galilée.

Soyons plus justes ! Ce serait calomnier Urbain VIII que de le représenter comme ayant soif du sang et des douleurs de son ancien ami. Le décret pontifical du 16 juin contient, au sujet de la torture, cette réserve importante, qu’elle ne sera appliquée que si l’accusé peut la supporter. En s’exprimant en ces termes, le souverain pontife savait à merveille que Galilée serait hors d’état de subir une telle épreuve, et d’avance, sans avoir besoin de l’intervention du commissaire, il entendait que la torture ne fût pas appliquée. À quoi eût servi d’ailleurs un tel excès de rigueur ? Urbain VIII ne voulait pas la mort du coupable ; il voulait s’assurer que Galilée ne parlerait plus, n’écrirait plus sur la question du mouvement de la