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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 17.djvu/668

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terre, et c’est pour le frapper d’une terreur qui garantirait son silence, que, de toutes les angoisses du procès, il ne lui épargna que la dernière, la seule qui fût inutile. Il ne se montra pas aussi cruel que l’imagine M. Dominique Berti ; mais il ne témoigna mon plus pour l’accusé ni la compassion, ni l’indulgence qu’on lui attribue trop souvent. Il importe de le répéter, parce que c’est là le résultat le plus clair de la publication de M. Dominique Berti : les différentes phases du procès de Galilée ne furent point distribuées pour les besoins de la mise en scène, comme une décoration de théâtre destinée à produire au dehors, en effrayant les partisans de la doctrine de Copernic, l’impression d’une grande sévérité, tandis que, dans la coulisse, le coupable serait ménagé et traité avec douceur. La menace de la torture, l’abjuration, la séquestration, furent des réalités et non, comme on l’a cru, de simples avertissemens à l’adresse des savans trop hardis. La cour de Rome s’occupa d’abord moins de frapper l’imagination du public que d’atteindre Galilée lui-même. C’était cet esprit rebelle qu’on avait ménagé une première fois en employant à son égard des moyens les plus doux, mais qui avait répondu à l’indulgence du saint-office par l’ironie transparente de ses Dialogues, qui avait tendu un piège à la personne chargée d’examiner son manuscrit, qui, dans son premier interrogatoire, s’était moqué de ses juges, peut-être même du souverain pontife, qu’il s’agissait maintenant de réduire au silence pour toujours en le conduisant, par une série d’angoisses morales, jusqu’aux dernières limites de la terreur.

La solennité de son abjuration devait en même temps lui fermer tout retour vers la doctrine de Copernic. Comment aurait-il pu y revenir après l’avoir déclarée publiquement hérétique, après avoir même promis, comme on l’y obligea, qu’il dénoncerait les personnes suspectes de cette hérésie ? Et cependant ses juges n’étaient pas encore rassurés ; on le redoutait même après son abjuration. Il fut séquestré d’abord à Sienne, dans le palais de l’archevêque Piccolomini, puis à sa villa d’Arcetri, près de Florence, avec la permission, d’y recevoir quelques visites isolées de parens et d’amis, mais à la condition que plusieurs personnes ne s’y réuniraient pas pour s’y entretenir. On redoutait surtout qu’il ne communiquât avec les savans étrangers et italiens. Le père Castelli, son ancien disciple, demandait en vain l’autorisation d’aller le voir, même en promettant de ne pas lui parler du mouvement de la terre. Afin de préserver du reste les pays catholiques de la contagion de ses idées, le pape fit envoyer à tous les nonces apostoliques, ainsi qu’à tous les inquisiteurs, des exemplaires de la sentence qui le condamnait et de l’acte d’abjuration. À Florence, les principaux disciples et amis