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jacobinisme. Quel rapport y a-t-il cependant entre les institutions nouvelles, régulièrement votées en pleine indépendance, libérales, conservatrices, et ce gouvernement de 1792 né de l’insurrection et des déchaînemens de la force populaire, inauguré sous le reflet sanglant et sinistre des massacres du 2 septembre ? Si nos radicaux voulaient ruiner la république nouvelle, ils ne pourraient mieux faire que de l’accabler de cette lugubre parenté, de lui donner pour ancêtres Marat et Robespierre. Ils ne comprennent pas que, s’ils parvenaient à prouver que la république c’est cela, ils auraient bientôt fait reculer la France, et une fois de plus ils auraient préparé l’inévitable dictature, emportant, avec cette repoussante image de la république, toutes les nobles garanties de la liberté régulière.


CH. DE MAZADE.



GEORGE SMITH.


Il y a quelques semaines, dans la petite maison du consulat d’Angleterre à Alep, il s’est produit un grand malheur, pour la science, peut-être un temps d’arrêt dans sa marche, si Dieu n’y pourvoit pas, — George Smith revenait de sa troisième expédition en Mésopotamie : une des maladies de ce climat terrible l’a frappé et emporté le 19 août. — Je viens d’écrire un nom déjà populaire en Angleterre, inconnu encore à la plupart de nos compatriotes en dehors du monde scientifique, et qu’il faut pourtant saluer tandis qu’il s’éteint. Il y a peu d’années de cela, Smith était un ouvrier typographe de Londres ; il se trouva mêlé à la partie matérielle des travaux du colonel Rawlinson sur les inscriptions cunéiformes. Ces effrayans rébus lui parlèrent, son génie secret l’appela, et le pauvre ouvrier, dépourvu jusque-là de toute instruction, se jeta dans cette étude avec la ténacité de sa race. Étonné des résultats obtenus par ce disciple de hasard, son savant protecteur le fit attacher au British-Museum. Bientôt le public anglais, plus attentif que le nôtre aux lumières nouvelles qui se font dans la science, s’émut en voyant le conservateur retrouver sur d’informes morceaux de briques des pages d’histoire d’un suprême intérêt. Un jour ; son nom courut sur toutes les bouches du royaume-uni, si passionné pour les recherches bibliques : Smith annonçait aux sociétés savantes de Londres qu’il venait de mettre la main sur le récit assyrien de la création. Aussitôt, suivant les nobles traditions qui sont l’honneur et la force de la presse anglaise, un des grands journaux de la Cité fit spontanément les frais d’une mission assyriologique en Mésopotamie et en offrit la direction au jeune savant. — Ce savant ignorait tout ce qui fait le fonds de notre éducation, il n’avait aucune teinture ni de l’histoire, ni des langues classiques, ni des idiomes sémitiques ou autres de l’Orient, en dehors du chaldéen ; il parlait mal