Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 17.djvu/736

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dangereuse pour l’avenir de la république, les députés, futurs candidats, qui savent ce qu’il en coûte de rompre avec un parti aussi puissant et aussi actif, font la sourde oreille, et n’en maintiennent pas moins le pacte d’union des gauches, non sans regret peut-être et sans appréhension. Voilà comment l’existence, l’action et l’influence de ce groupe, au sein de la majorité républicaine a été, est, et sera encore, nous le craignons, le premier obstacle à la formation d’une majorité de gouvernement sous la république.

Vient ensuite la fraction dite de l’union républicaine, aujourd’hui distincte de la fraction radicale des intransigeans. Ce groupe, considérable par le nombre et l’ardeur de ses soldats, par le talent et l’habileté de son chef, peut bien avoir conservé au fond les principes et les passions du radicalisme militant. Il a trop longtemps vécu en société intime avec le groupe radical pur, il a trop besoin de son concours dans les élections populaires pour pouvoir rompre avec ce groupe ; mais, s’il sent et pense comme lui sur les questions de principes et de réformes, il croit devoir agir autrement sous l’empire des nécessités politiques, qu’il comprend mieux. Y a-t-il dans cette différence de conduite autre chose qu’une question de temps et de mesure ? On peut le croire, après la déclaration répétée des chefs les plus habiles et les plus autorisés du groupe de l’union républicaine : « La démocratie ira lentement, mais sûrement, à toutes les conséquences de son principe. » M. Gambetta lui-même, dont l’esprit, nous aimons à lui rendre cette justice, n’a rien d’un rêveur radical, et qui personnellement est homme à se prêter à toutes les transactions, à tous les ajournemens nécessaires au succès de sa cause, ne s’est jamais prononcé contre les théories radicales de ses alliés moins accommodans. N’a-t-il pas refusé, à Belleville, de se séparer d’un parti qui compte même des amis de la commune dans son sein ? Certains de ses partisans les plus dévoués s’étonnent et regrettent de voir un chef aussi avisé en politique, aussi peu esclave des formules abstraites, aussi libre de préjugés et de passions, malgré la fougue de son tempérament, de le voir, dis-je, rester fidèle à sa vieille et dangereuse clientèle. Pour nous, nous n’éprouvons point la même surprise en pensant que M. Gambetta, épris comme il l’est du prestige de la puissance, ne peut pas se priver d’une force populaire dont il croit toujours avoir besoin, a tel moment de son rôle d’opposition ou de gouvernement.

L’union républicaine est devenue, grâce aux dernières élections, le groupe le plus considérable de la majorité républicaine, après la fraction toutefois qui a gardé, dans la chambre actuelle, son nom de gauche républicaine. C’est celle-ci qui a le plus gagné a ces élections. A elle seule, elle forme maintenant presque la moitié de l’assemblée. Avec le centre gauche, si réduit qu’il ait été, elle suffirait