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peut-être pour faire une majorité homogène, une vraie majorité de gouvernement. Malheureusement, si l’on en juge par son attitude dans les débats de cette première session, et particulièrement à propos des invalidations, des enquêtes et des questions qui touchent à l’ingérence du clergé dans les élections, elle a des préjugés et surtout des passions qu’il eût fallu laisser sur le champ de bataille électoral. On voit que les nouveaux députés qui composent ce groupe ont rapporté de la lutte des impressions de mauvaise humeur, même de colère contre les candidatures soi-disant officielles et cléricales. Les intentions sont excellentes, les sentimens sont généreux : on veut la république, la liberté, le progrès avec et par la constitution ; mais les idées n’ont pas toute la maturité, toute la précision désirable. Ce groupe, où l’on compte tant de députés nouveaux, manque naturellement d’expérience dans les questions de politique pratique, sans avoir une science profonde des questions de haute politique. On ne peut rien affirmer de certain d’une assemblée et d’un groupe qui n’ont point encore abordé les grands principes et les grandes affaires ; mais, à s’en tenir aux apparences, il semblerait que les esprits élevés n’y sont guère plus nombreux que les hommes d’affaires.

En tout cas, ce groupe auquel la modération et la sagesse ne font certainement pas défaut, ne nous paraît point avoir parfaitement compris la politique que commande la situation. Nous ne sommes pas de ceux qui pensent que le ministère dont M. Dufaure est le président est la dernière ressource du maréchal de Mac-Mahon et le dernier mot du gouvernement de la république constitutionnelle. Le président, si les circonstances l’exigent, pourrait prendre dans la gauche républicaine des ministres dont l’avènement au pouvoir n’aurait pas de quoi inquiéter les intérêts conservateurs ; mais nous doutons qu’aucun des ministères de gauche ait plus d’autorité que le ministère actuel pour rallier une majorité, et offre en même temps plus de garanties de politique libérale aux républicains les plus ombrageux. Que peut-on craindre, en fait de mesures réactionnaires, que ne peut-on espérer en fait de réformes acceptables, de conservateurs comme MM. Dufaure, Say, Waddington, Christophle et de Marcère ? Et alors, pourquoi la gauche républicaine n’a-t-elle soutenu le ministère de M. Dufaure qu’avec une certaine hésitation, en lui faisant sans cesse des conditions, en lui arrachant des concessions qui ne sont pas de nature à fortifier le pouvoir et à rendre facile la gestion des affaires ? Ainsi, dans la question de l’amnistie, tout en repoussant la conclusion du parti radical, la gauche a laissé une porte ouverte à la politique de faiblesse par une série d’amendemens sur la cessation des poursuites, sur la suppression des conseils de guerre, qui avaient pour conséquence l’inégalité de