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La Russie se fait également remarquer dans les bâtimens du parc de Fairmount ; sa double physionomie de nation à la fois européenne et asiatique y apparaît nettement. Elle est venue tard, mais elle brille d’un vif éclat ; elle n’a pas oublié qu’elle est la grande maîtresse des richesses souterraines de l’Oural et de la Sibérie, et à côté de collections très bien disposées, à côté de ses malachites et de ses lapis-lazzuli, de son platine et de son or natifs, elle montre son orfèvrerie, ses tissus, ses pelleteries caractéristiques. Ailleurs sont ses cuivres et ses fers de qualité supérieure, exceptionnelle. La Hollande exhibe les produits de ses colonies et les dessins ou les modèles très soignés de quelques-uns de ses grands travaux publics, entre autres de ses fameuses digues. La Belgique, la Suisse, l’Autriche, l’Espagne, l’Italie, font également bonne figure. Seule, le croira-t-on ? l’Allemagne est assez effacée, et les produits qu’elle expose, s’ils sont remarquables par le bon marché, le sont aussi par le mauvais goût et la mauvaise qualité. Bien qu’elle ait appelé à son aide les porcelaines de la manufacture impériale de Berlin et qu’elle les ait développées en façade au centre du main building, dans une sorte de polygone d’honneur où trônent Tiffany et Gorham de New-York, Elkington de Londres, Marchand et Susse de Paris, bien qu’elle ait bruyamment amené ses éternels canons Krupp, encore plus monstrueux cette fois, ce n’est pas ici que la Prusse aura la victoire. Dans le bâtiment des beaux-arts, elle a eu le mauvais goût de rappeler, par des peintures écœurantes qui ont soulevé la critique générale, les succès qu’elle a remportés en 1870 sur les champs de bataille. Le vainqueur, quand il veut ainsi abaisser le vaincu, qui ne s’est pas humilié et qui n’a pas démérité, diminue par cela même sa victoire ; ceux qui ont envoyé à Philadelphie les tableaux de la reddition de Sedan et de Paris auraient dû le comprendre. De pauvres ou d’infimes contrées, la Turquie, l’Égypte, qui s’est intitulée « la plus ancienne nation du monde venant saluer la plus jeune, » la Tunisie, les îles Sandwich, la petite république d’Orange ou celle des noirs de Libéria, se sont donné certainement plus de peine pour se distinguer que le grand empire germanique. De même le Danemark, la Norvège, le Portugal et quelques républiques hispano-américaines, telles que le Chili, la Plata, le Pérou, toutes proportions gardées, font assurément meilleure mine que l’Allemagne. Elle-même s’est reconnue vaincue par la voix de son commissaire, et, boudant sa défaite, menace, dit-on, de ne prendre qu’une faible part à l’exposition de 1878 à Paris, où viennent d’être officiellement conviées toutes les nations.

Il reste à dire un mot de la France, et il faut le dire en toute liberté, car la part que la France a prise à cette lointaine exposition est des plus honorables, si elle n’est pas complète et si elle a été