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chiffre de 100,000 visiteurs payans sera quelquefois atteint[1].

Il ne faudrait pas s’imaginer qu’avec le prix uniforme d’entrée, qui est de 50 cents ou 2 fr. 50 cent, par personne, le comité financier de l’exposition réalisera des bénéfices et pourra, les dépenses courantes payées, solder, outre l’intérêt du capital souscrit, une part notable de l’amortissement. N’oublions pas que plus de 40 millions de francs ont été déboursés, et que ce serait la première fois qu’une exposition internationale donnerait des profits. En 1867, l’insuffisance des recettes pour celle qu’on ouvrait à Paris avait été évaluée à 12 millions. Ce déficit fut couvert par l’état et la ville de Paris, qui donnèrent chacun une subvention fixe de 6 millions. Pour 1878, le déficit prévu, d’après le rapport récemment présenté au sénat par M. Krantz, ne sera pas moindre de 16 millions !

Le comité financier de l’exposition de Philadelphie n’a publié encore, à notre connaissance, aucun document qui permette d’évaluer à la fois son actif et son passif. Nous savons seulement, d’après quelques indiscrétions de la presse, que les dépenses journalières sont considérables pour payer un personnel en partie superflu, et que les chefs de l’exposition se sont alloué de très forts honoraires. Toutefois il ne faudrait pas trop leur reprocher, quand ils établiront leur bilan, de l’établir en perte, eussent-ils vendu au meilleur prix les démolitions du main building, de la galerie des machines et du bâtiment de l’agriculture, dont rien ne restera sur le sol et qui s’en iront, comme naguère le bâtiment de notre exposition de 1867, reparaître ailleurs par morceaux sous forme de halles d’usines et de marchés ou de gares de chemins de fer. Quelque grandes que soient les recettes par les entrées, les monopoles concédés et tous les autres profits, les dépenses d’une exposition sont encore plus fortes. Ici une nouvelle cause de perte surgit, provoquée par l’esprit bigot, étroit et puritain propre à la Pensylvanie, en particulier à la ville des quakers, et qui a envahi la direction économique de cette affaire. L’exposition a été strictement fermée le dimanche, en dépit de tous les meetings d’indignation qui, dans la plupart des états de l’Union, ont condamné cet étrange procédé, en dépit des consultations de plusieurs membres influens du clergé protestant ou catholique, qui se sont hautement prononcés en faveur de l’ouverture du dimanche, en dépit enfin des réclamations presque générales des ouvriers et

  1. L’exposition de 1867 à Paris, ouverte le 1er mai, a duré 217 jours, dimanches compris. On y a compté aux tourniquets 8,805,991 visiteurs, et les recettes ont été de 10,518,375 francs. Celle de Vienne en 1873, ouverte aussi le 1er mai, a duré 185 jours, y compris les dimanches. On y a admis 6,740,500 visiteurs, et les recettes ont été de 5,161,950 francs. La moyenne journalière des visiteurs a été pour Paris de 40,000, pour Vienne de 36,400. Le chiffre maximum a été atteint à Paris le dimanche 27 octobre : il a été de 173,923. Aucune exposition n’a jamais reçu le même jour un aussi grand nombre de personnes.