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la fin de l’année 1560 de Russie, ce n’était pas l’Angleterre qu’il trouvait en proie aux divisions religieuses ; l’Angleterre appartenait sans conteste à la réforme, l’Ecosse et la France se débattaient entre la réforme et le catholicisme. Solidement affermie sur son trône, la reine n’avait plus à fonder l’unité de l’église dans ses états ; elle s’employait activement à la saper partout où cette unité aurait été une force qui se fût naturellement tournée contre l’hérésie et le schisme. Suivant une déplorable et antique coutume, Elisabeth se croyait le droit de chercher sa sécurité dans les embarras de ses voisins. La prédication protestante se chargerait d’affaiblir le ressort des nations rivales ; la reine d’Angleterre pourrait vaquer en paix au soin des intérêts qui réclamaient avec un redoublement d’énergie sa sollicitude.

Il était évident, après le séjour prolongé de Jenkinson à Boghar, après les difficultés de tout genre que ce hardi marchand avait dû surmonter pour s’y rendre, que de longtemps les caravanes chrétiennes ne seraient en mesure de se diriger vers le Cathay. Ne rencontreraient-elles pas un chemin plus facile, si elles se bornaient à tenter de gagner, à travers la Perse, les bords de l’Océan indien ? Depuis l’année 1502, Shah-Ismaël avait fondé en Perse la dynastie des sophis. Bien qu’elle eût déjà perdu plus d’une province, bien qu’elle se vît encore menacée d’un nouveau morcellement par les Turcs, la Perse, sous cette dynastie qui ne régna pas sans gloire, n’en étendait pas moins sa puissance de la rive occidentale de la mer Caspienne au golfe Persique, du port de Bakou aux remparts d’Ormuz. C’était en gagnant Ormuz par mer et en chevauchant à travers la Perse jusqu’à Trébizonde que Marco-Polo était revenu de la Chine à Venise en l’année 1295 ; il ne semblait pas impossible de percer encore une fois les déserts, les massifs montagneux que le voyageur vénitien avait affrontés et décrits. L’essentiel était d’y être aidé par le successeur de Shah-Ismaël, par Shah-Tamasp, empereur des Persans depuis l’année 1523. La reine Elisabeth crut devoir écrire à la fois au tsar et au sophi :

« Grand et puissant prince, dit-elle à Ivan IV, il nous est doux de nous rappeler l’amitié que votre majesté a témoignée à notre personne et à nos sujets. Cette amitié a commencé, par la bonté de Dieu, sous le règne de notre très cher frère, d’heureuse mémoire, le roi Edouard VI ; elle a été développée, nourrie, par votre merveilleuse humanité, accrue, augmentée par votre incroyable bienveillance ; elle est aujourd’hui fermement établie par les nombreux gages de votre faveur. Nous ne doutons pas que, durant bien des siècles, elle ne se maintienne pour la gloire de Dieu et pour notre commune gloire, pour le bien de nos royaumes, pour la félicité de nos sujets. » Dans tout ce qui précède, nulle allusion, on le