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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 17.djvu/886

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aujourd’hui rasée ou en ruines ; cependant on en retrouve facilement les fondations. Par cette construction, Alexandre s’était proposé d’empêcher les habitans du pays nouvellement conquis de s’enfuir et les ennemis de faire leurs invasions. La ville de Derbent est maintenant au pouvoir du sophi. »

Jenkinson n’avait relâché à Derbent que pour y renouveler sa provision d’eau douce. Il ne manqua pas cependant d’offrir au capitaine, gouverneur de la place pour le roi d’Hircanie, un présent convenable. Le capitaine en retour l’invita, ainsi que son équipage, à dîner. De Derbent il n’y avait plus grand chemin à faire pour atteindre le pied des derniers contre-forts du Caucase et pour se trouver en Asie. Jenkinson mit le cap au sud-est, puis bientôt au sud-sud-est. Quand il eut parcouru environ 80 milles, il reconnut, le 6 août 1562, la ville et le port d’Abcharon, séparés par un promontoire de la ville et du port de Bakou. Il y avait vingt et un jours qu’il voguait sur la mer Caspienne, cent et un jours qu’il avait quitté Moscou. Le métier de voyageur n’exigeait pas seulement alors de l’intrépidité ; il demandait surtout une rare patience.

Le gouverneur d’Abcharon s’appelait Alcan-Moursi. « Il vint me trouver, raconte Jenkinson ; je lui fis un présent, et il me donna une garde de quarante hommes pour veiller à ma sûreté : précaution nécessaire, car les voleurs sont nombreux dans ce pays. Nous avions déchargé notre barque et nous faisions bonne garde autour de nos marchandises. Le 12 août, des nouvelles arrivèrent du roi d’Hircanie ; le gouverneur l’avait fait aviser de notre débarquement et de nos projets. Le roi donnait l’ordre que je l’allasse trouver le plus tôt possible. Quarante-cinq chameaux étaient prêts pour porter mes ballots ; des chevaux l’étaient aussi pour m’emmener avec mes compagnons. Le 12 septembre 1562 nous nous mîmes en route. »

Le 18 septembre, la caravane arrive à Shamaki (Chemakha), dans la province à laquelle Jenkinson donne indifféremment le nom de royaume d’Hircanie ou de pays de Shirvan. « Le roi, dit Jenkinson, possède là une belle résidence. On me désigna mon logement, et je m’occupai sur-le-champ d’y mettre à l’abri mes marchandises. » Le lendemain, 19, le roi fit mander le voyageur anglais. Le monarque hircanien était alors campé sur de hautes montagnes éloignées de 20 milles environ de Shamaki. « Le séjour des palais, a dit le prophète, énerve ; la tente rend le courage et la vigueur au guerrier. » Que faisait donc le roi Obdolokan — car tel était le nom du roi de l’Hircanie — sur le plateau élevé où il avait, depuis le commencement de l’été, fixé sa résidence ? Un riche pavillon broché de soie et d’or était devenu son konak. Ce pavillon mesurait 16 brasses de long et 6 brasses de large. Sur le devant, coulait une belle fontaine d’eau claire. Le roi et sa noblesse ne connaissaient pas d’autre