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et trois ou quatre autres ports où il peut embarquer ses charbons pour les envoyer sur nos côtes. En France au contraire, les bassins houillère les mieux placés pour l’exportation se trouvent encore à 100 ou 200 kilomètres de la mer[1]. Or, même avec un tarif kilométrique de 3 centimes par tonne, un parcours de 100 kilomètres augmente déjà de 25 pour 100 le prix de la tonne de houille.

Il faut d’ailleurs reconnaître que les Anglais ne négligent rien pour activer la circulation et l’exportation du produit qui forme un élément si essentiel de leur prospérité. La houille circule librement, sans être arrêtée par des droits d’octroi, et elle sort librement, malgré les protestations des économistes mal avisés qui voudraient la voir frappée d’un droit de sortie. Le matériel de transport est organisé de façon à suffire à tous les besoins ; la plupart des chemins de fer ne se contentent pas de faire les charrois avec leur propre matériel, ils prêtent leurs rails et leurs locomotives pour traîner des wagons que les propriétaires des mines possèdent, ou que les acheteurs peuvent louer à des entrepreneurs particuliers.

Les ports sont outillés d’une manière supérieure. Dans nos ports, le chargement s’effectue d’ordinaire à bras d’hommes, par des couloires, ou bien les charbons sont transbordés dans les mines au moyen de palans. Cette manutention primitive non-seulement est très chère (à la Joliette elle coûte 2 francs 25 cent, la tonne), mais elle astreint les navires à trois ou quatre jours de planche, c’est-à-dire de stationnement à quai. En Angleterre, on a fait appel aux procédés mécaniques les plus puissans. Ainsi à Cardiff les charbons arrivent au niveau des quais sur des wagons de 5 à 7 tonnes ; puis ces wagons sont enlevés par une pression hydraulique et versés dans les panneaux des navires, ou bien soulevés par des grues à vapeur qui transbordent de 40 à 60 tonnes par heure. A Newcastle et à Sunderland, où les wagons arrivent à un niveau beaucoup plus élevé que le pont du navire, on charge en quatre heures, au moyen de drops, un navire de 1,200 tonnes. A Grimsby et à Hartlepool, un navire, pour y prendre sa cargaison de 700 ou 800 tonnes, ne stationne guère plus longtemps qu’un wagon de 10 tonnes ne reste en gare pour y déposer son chargement et en recevoir un autre. En dehors de l’économie de temps et d’argent que procure ce puissant outillage, une fois les frais d’installation payés, il est évident qu’il épargne les dépenses qu’exige à chaque instant chez nous la nécessité d’allonger les quais, d’agrandir les bassins, etc., à mesure que s’accroît le mouvement d’un port. Puis les délais de livraison qui désespèrent nos capitaines sont inconnus en Angleterre. Dans un port anglais, entre la commande des

  1. Nord, 120 kilomètres ; Pas-de-Calais, de 60 à 100 kilomètres ; Graissessac, 95 ; Gard, de 180 à 200 ; Ahun, 320 kilomètres,