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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 17.djvu/910

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charbons, faite par le télégraphe, et la livraison à bord, il ne s’écoule pas vingt-quatre heures. C’est que les compagnies des chemins de fer y comprennent la solidarité des intérêts et savent que rien, ne se venge comme le temps perdu.

Ajoutez à cela que les navires sont beaucoup plus grands, et que les armateurs de la Grande-Bretagne emploient depuis longtemps un système de transport à vapeur qui par la célérité rachète le surcroît de dépense. Un steamer peut maintenant recevoir en quatre heures, à Newcastle, sa cargaison de 1,200 tonnes de charbon, arriver à Londres en trente-deux heures, décharger en dix heures à l’aide des engins hydrauliques, et revenir à Newcastle avec un lest d’eau qu’il embarque dans des caisses de tôle fixées dans la cale ; il n’emploie donc que soixante-dix-huit heures pour l’aller et le retour. Un seul bateau à vapeur a pu faire ainsi cinquante-sept voyages en un an, livrant, avec un équipage de 21 hommes, 68,400 tonnes de charbon, quantité qui aurait exigé. 16 bâtimens à voiles et 144 hommes d’équipage. Aussi ces steamers peuvent prendre chargement pour Londres à 6 francs la tonne, tandis que le fret par voiliers est de 8 francs[1].

Des facilités providentielles et une organisation supérieurement combinée permettent donc à l’Angleterre de dominer sur tous les marchés houillers, et si parfois, comme en 1873, son exportation semble rétrograder, elle ne tarde pas à ressaisir les cliens qui tendent à lui échapper.

La supériorité des conditions où se trouve placée l’Angleterre pour exporter du charbon est encore rendue plus sensible et plus frappante par le contraste avec les obstacles que nous avons à vaincre sous ce rapport. Non-seulement nos extractions sont toujours en deçà de la consommation nationale, dont elles ne fournissent que les deux tiers environ, mais les difficultés naturelles que rencontre l’exploitation de nos gisemens et l’énorme déchet qui résulte de la friabilité de nos houilles font que le prix de revient des charbons français est relativement élevé. Or cette élévation du prix de revient est loin d’être compensée par la supériorité du produit : on sait au contraire que nos charbons sont légèrement inférieurs aux charbons anglais (5 kilogrammes de ces derniers donnent le même effet utile que 6 kilogrammes des premiers).

Malgré ces difficultés très réelles, il suffit de songer à l’heureuse influence qu’un mouvement d’exportation un peu actif pourrait exercer sur la marine marchande, pour ne plus douter de la nécessité de provoquer ce mouvement à tout prix. On nous dira peut-être qu’il est plus urgent d’amener les extractions à suffire aux

  1. A Bordeaux, on commence à suivre cet exemple pour l’importation des charbons du pays de Galles.