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exportation possible d’un million de tonnes, chiffre qui est confirmé par un autre calcul. Le nombre des navires partis de Marseille sur lest en destination de pays pouvant accepter des houilles françaises a été en 1867 de 1,440, représentant un tonnage de 350,000 tonneaux ; on n’a pas compris dans cette catégorie les navires qui allaient en Angleterre, dans l’Inde, aux États-Unis, où la houille française ne trouverait pas d’acheteurs, ni ceux qui partaient pour les mers du Nord, qui restent réservées à Dunkerque. Sur ce nombre de 1,440 navires partis léges, et qui auraient pu prendre du charbon comme lest ou comme chargement complet, 1,410 avaient pour destination les ports de la Méditerranée. La quantité de lest embarqué chaque année à Marseille est en moyenne de 200,000 tonneaux, mais le lest ne représente qu’une partie du chargement complet ; on peut admettre que ces navires auraient pu porter au moins 600,000 tonnes de charbon. En tenant compte de l’augmentation du mouvement maritime qui résulterait de la certitude d’un fret de sortie, le chiffre de 1 million de tonnes auquel M. de Ruolz évalue l’exportation possible de Marseille ne parait pas trop élevé, surtout si l’on remarque que la dimension des navires et la proportion de la navigation à vapeur augmentent constamment, — deux circonstances éminemment favorables à l’exportation du charbon[1].

Marseille doit devenir le Newcastle français. Pourtant, si par la conquête des marchés de la Méditerranée l’exportation se développe rapidement, pour plus d’une raison Marseille seul ne pourra y suffire ; il faudra donc un autre port situé sur le même littoral. On a songé à Aigues-Mortes, à Saint-Louis, à Cette ; mais ce dernier port est le seul qui offre des chances sérieuses de succès. Vouloir créer soit à Aigues-Mortes, soit à Saint-Louis, de grands ports de commerce, serait une entreprise ruineuse. Il y a lieu de faire d’Aigues-Mortes un bon port de cabotage, de tirer parti du canal Saint-Louis après avoir amélioré le Rhône fluvial, et de créer à Saint-Louis une station d’échange entre les deux navigations[2] ; mais c’est Cette qui devra devenir le second port de commerce français dans la Méditerranée et l’auxiliaire de Marseille comme port charbonnier. Dès à présent, Cette occupe le second rang pour l’exportation houillère[3] et pour l’importation des minerais. Ces derniers sont amenés d’Algérie par de grands vapeurs qui pourraient prendre

  1. En 1874 et 1875, Marseille a exporté ou réexporté 231,700 et 175,500 tonnes de charbon.
  2. Terminé en 1871, le canal Saint-Louis, qui a coûté 20 millions, n’a encore été fréquenté que par de rares navires, et il ne deviendra vraiment utile que lorsqu’il existera des communications faciles par bateaux ou chemins de fer entre l’intérieur et le village de Saint-Louis. (Larue, Manuel des voies navigables de la France.)
  3. En 1872, ce port a expédié 50,000 tonnes de charbons français.