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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 17.djvu/939

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9 millions n’eût pas été chose grave. Les temps sont changés, et les armateurs réunis à Paris en juin dernier eussent du indiquer au gouvernement les moyens de trouver cette somme sans augmenter les impôts, déjà si écrasans.

M. Pastureau-Labesse, d’accord en cela avec M. Dupuy de Lôme, est partisan des allocations comme encouragement à la marine marchande ; il croit que ce système ne serait pas de nature à soulever de grandes difficultés diplomatiques, puisque ces primes existent aujourd’hui dans la colonie anglaise du Canada. Le gouvernement français le sait, et n’a fait à ce sujet aucune réclamation au gouvernement anglais. Comme nous, M. Pastureau-Labesse croit qu’il faut épargner aux contribuables une nouvelle charge, et voici la combinaison fort simple qu’il propose pour trouver les millions qui nous manquent : faire payer aux étrangers un droit de phare, de feux fixes ou flottans et de balisage. En Angleterre, les docks, jetées, dragages, phares, etc., sont exécutés, ainsi que les autres travaux maritimes, par des corporations locales, ou même par de simples particuliers. Ces corporations, constituées par acte du Parlement, sont autorisées à percevoir certains droits calculés de manière à les rembourser de leurs dépenses, capital, intérêts, frais d’entretien et d’administration. C’est pour cette raison que les frais de port sont beaucoup plus élevés en Angleterre qu’en France. Les navires étrangers qui viennent chez nous ne paient pas de droits de port ou de phare, ou ne paient que des droits très faibles, — 20 centimes par tonne à Bordeaux, — et cela momentanément, alors que les navires français qui vont à l’étranger y paient des droits de port et de phare très élevés. Cet état de choses est d’autant plus choquant que les armateurs français, en tant que contribuables, fournissent leur contingent au budget des travaux publics. Ils se trouvent avoir ainsi payé de leur poche pour qu’on fournisse gratuitement l’usage de nos ports à leurs concurrens. En adoptant les mêmes principes, et en appliquant les mêmes tarifs que dans les ports anglais, il serait possible de faire entrer dans les caisses de l’état une somme annuelle de 24 millions. Comme un tiers environ de ces nouveaux droits devra être payé par les navires français, attendu que les charges doivent être les mêmes pour tous les pavillons, les allocations aux armateurs français pourraient être augmentées de manière à faire rentrer ces derniers dans leurs déboursés.

L’école libre-échangiste ne veut pas entendre parler, bien entendu, de subventions et de rétablissement de surtaxes. Elle croit avec raison qu’on ne pourrait revenir sur la réforme économique de 1860, pas plus que sur l’assimilation des pavillons, sans compromettre d’une manière très grave les intérêts généraux du pays.