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la pépinière du personnel de ses bâtimens de guerre. Il semble dès lors équitable que le pays reconnaisse d’une façon quelconque le service que la marine marchande lui rend en formant des marins. Le trésor n’est malheureusement pas assez riche pour payer les cent et quelques milliers d’hommes qui composent notre précieuse réserve maritime ; mais il doit par quelques légers sacrifices s’efforcer de conserver cette réserve intacte. Grâce aux perfectionnemens qui se réalisent chaque jour dans la manœuvre de nos puissans vaisseaux de guerre, le personnel de l’inscription maritime est arrivé, il est vrai, à dépasser de beaucoup les effectifs nécessaires a tous nos armemens ; cependant ce n’est pas nous qui demanderons jamais la réduction de ce personnel. Il suffit pour cela que notre mémoire reconnaissante nous rappelle l’héroïsme déployé par nos marins dans le courant de la dernière guerre.

La France veut encore avoir une flotte postale qui porte régulièrement à ses colonies et jusqu’au Japon une partie de son esprit, de son cœur et de ses produits ; elle paie 25 millions pour cela, et c’est de l’argent parfaitement employé ; mais les voiliers et les bateaux à vapeur non subventionnés n’ont-ils pas le droit de se plaindre de ce que cette flotte postale emploie de gros navires, prenne des marchandises, transporte des passagers et s’empare du monopole des transports lointains ? Il y a là une inégalité qui choque les esprits les moins prévenus.

Ce qui aiderait incontestablement à relever notre marine marchande, à rendre la vie à nos ports, à faire refluer les richesses de la France de son centre aux extrémités, et vice versa, ce serait l’abaissement des tarifs des chemins de fer, autant pour les marchandises d’importation que pour celles d’exportation. Le tarif d’exportation octroyé au commerce par la plupart des compagnies de nos voies ferrées n’a jamais été accordé aux exportateurs par la puissante ligne Paris-Lyon-Méditerranée. Cette compagnie sait aussi bien que nous qu’il est plus économique d’expédier, de Paris les marchandises à destination de l’Orient, via Le Havre et Liverpool, que de les envoyer directement de Paris à Marseille. Que l’on fasse pour le transport des marchandises ce que l’on fait pour les trains de plaisir et les trains de pèlerins, ce que l’on a fait pour le transport des lettres et la transmission des télégrammes, c’est-à-dire du bon marché, et les résultats que nous prévoyons dépasseront même nos espérances et relèveront bien des ruines.


EDMOND PLAUCHUT.