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sont convoquées pour les derniers jours du mois. Cette session qui va se rouvrir est ce qu’on pourrait appeler la session du budget, elle devrait autant que possible rester affectée au budget, c’est-à-dire aux affaires pratiques de la France. La session des discours, des déclamations et des utopies, elle vient de se dérouler au milieu d’une certaine indifférence parisienne, dans ce « congrès ouvrier » qui a tenu ses assises pendant quelques jours et qui a fini par un banquet. C’est une succursale de parlement démocratique qui a fonctionné un moment dans une salle de la rue d’Arras. Assurément des réunions de ce genre pourraient être utiles et instructives, à la condition que de vrais ouvriers, des travailleurs sérieux, vinssent parler de ce qu’ils savent. Malheureusement le dernier congrès n’a été qu’un tumulte assourdissant de vaines déclamations sur le capital, sur les associations, sur les chambres syndicales, sur la représentation du prolétariat au parlement, et ce que les ouvriers ont apporté pour toute nouveauté, c’est un retour mal déguisé aux anciennes corporations. Ce qu’on démêle de plus clair dans ces esprits obscurs, c’est la prétention de faire du prolétariat une sorte de classe privilégiée, et ils ne voient pas que le vrai signe de leur émancipation c’est justement de n’être pas une classe, de se fondre désormais dans cette vaste, dans cette libérale et équitable société créée et transformée par la révolution de 1789, qu’ils semblent tout près de répudier aujourd’hui.

La vie publique varie selon les pays, ou, si l’on veut, elle a des manifestations différentes ; au fond, elle se compose à peu près des mêmes élémens. Partout les gouvernemens ont des luttes à soutenir, des difficultés de tous les jours à dénouer ; partout l’esprit de modération a la même peine à se dégager du conflit des opinions extrêmes, du tourbillon des passions politiques, locales ou personnelles qui s’agitent. L’Italie, qui a triomphé jusqu’ici de tant d’obstacles, de tant d’impossibilités apparentes, par cet esprit de modération, l’Italie a aujourd’hui une occasion de montrer qu’elle n’est point disposée à rompre avec cette tradition de libéralisme conservateur qui a fait sa force. Elle est sur le point d’avoir des élections générales ; la dissolution de la chambre des députés est désormais un fait accompli. Le scrutin doit s’ouvrir le 5 et le 12 du mois prochain, et huit jours après le parlement renouvelé se réunira à Rome. Au premier abord, dans l’état précaire et obscur de l’Europe, le moment semblerait assez singulièrement choisi pour des élections. Si le cabinet de Rome a pris sur lui de tenter l’aventure, c’est qu’évidemment il croit n’avoir point à craindre des complications extérieures trop graves ou trop prochaines, c’est qu’il est persuadé que les affaires d’Orient lui laisseront le temps de trancher sans trouble la question parlementaire et ministérielle. Ce serait alors un bon signe de plus pour la paix. A vrai dire, cette considération mise de côté, la dissolution de la chambre italienne était prévue. Le ministère Depretis,