et des toasts. Toutefois il y avait un point noir sous cette apparence de prospérité. En 1846, à Southampton, Murchison avait l’honneur d’être président annuel. Il n’avait négligé nulle démarche pour que la réunion fût brillante. Qu’on en juge par les noms de quelques-uns des souscripteurs : Œrsted était venu tout exprès de Copenhague, Schœnbein de Bâle, Matteucci d’Italie. Les vice-présidens n’étaient pas de minces personnages : c’étaient Wellington, Palmerston, M. Lefèvre, speaker de la chambre des communes, sans compter Herschel, l’astronome, et le docteur Whewell, l’un des maîtres les plus renommés de l’université de Cambridge. Bien plus, le prince Albert daigna assister à la séance d’ouverture et se montrer les jours suivans dans les réunions des sections. Malgré tout, l’Association avait des détracteurs, et le plus acharné, le plus puissant de tous était le Times, qui s’efforçait à chaque session de la tourner en ridicule. Il est certain que, en outre des hommes sérieux, il se présentait chaque fois de bonnes gens de province empressés à saisir cette occasion rare de produire en public leurs élucubrations. Murchison s’affligeait plus que de raison de ces critiques; un jour qu’il se trouvait à Broadlands, chez lord Palmerston, il se plaignit tout haut de cette malveillance persévérante. « Bah ! lui répondit le célèbre ministre, ne vous en inquiétez pas; celui qui n’est pas cuirassé contre les attaques du Times ne réussira jamais à rien, « Il est fâcheux qu’il n’ait pas vécu un peu plus longtemps, car il aurait eu cette année même la satisfaction de voir le grand journal de la Cité rendre un hommage mérité aux travaux de l’Association britannique. Il est vrai qu’insensiblement l’élément sérieux a pris le dessus dans ces assises annuelles de la science. Les savans d’élite ont si bien pris l’habitude de s’y rendre, que les médiocrités locales ne s’y montrent plus, ou se bornent au rôle passif d’auditeurs. La science aisée, les discours anodins des vulgarisateurs, comme on les appelle, n’occupent plus qu’une place restreinte ou restent en dehors du programme. Peut-être y a-t-il quelque à-propos à rappeler ces commencemens difficiles de l’Association britannique, puisqu’en France une institution de même nature, plus jeune et non moins bien dirigée, l’Association française pour l’avancement des sciences, s’est heurtée aux mêmes obstacles, a dû combattre les mêmes préjugés. Sans doute une telle réunion est encore et sera toujours un prétexte de fêtes, de banquets et de toasts; quel esprit chagrin trouverait à redire à ces réjouissances dont le résultat utile est après tout de faire naître l’intimité entre des hommes adonnés aux mêmes études?
Sur la proposition de Murchison, le conseil de l’Association britannique avait introduit dans les statuts une section de géographie