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Henri IV, La Noue, Lusinge et Du Pellier se disputaient la gloire, c’est de Brèves qui se serait chargé de le lui rappeler. La mort de Henri IV avait mis fin à la mission que ce diplomate remplissait auprès de la cour de Rome. Tour à tour disgracié et comblé d’honneurs, gouverneur de Gaston, frère du roi, écuyer de Marie de Médicis, chevalier du Saint-Esprit, comte de Brèves, il semble n’avoir vécu désormais que pour préparer « les asseurez moyens de ruiner la monarchie des princes ottomans. » On ne sait pas à quelle date il publia pour la première fois le fruit de ses méditations. Ce fut vraisemblablement dans les premières années du règne de Louis XIII. Dans sa dédicace à ce prince, il affirme que durant les vingt-deux ans de séjour qu’il a fait à la Sublime-Porte « pour y servir le feu roy Henry le Grand, » il n’a cessé de s’enquérir des moyens de détruire les Turcs; assertion dont il faut se défier, comme nous l’avons donné à entendre précédemment. Le zélé diplomate propose de servir en cette entreprise « de soldat, de guide et d’interprète.» Nous avouons qu’il va beaucoup plus avant que Lusinge dans la recherche des causes de la chute plus ou moins prochaine de l’empire turc. « L’espouvantable puissance » du Grand-Seigneur ne lui cache point la gravité des maux qui le minent lentement. La vénalité et les concussions des pachas ne sont pas les moindres de ces maux. Les timars ou fiefs révocables, qui assuraient jadis le recrutement de la cavalerie, sont donnés à la faveur; de Brèves les compare aux abbayes et aux commanderies de France. Les janissaires se recrutaient autrefois parmi les enfans des chrétiens. Aujourd’hui les Turcs se glissent dans leurs rangs par supercherie. Tandis que les renégats « abhorraient leurs proches et ne reconnaissaient pour protecteur et pour père que le Grand-Seigneur, » les fils « des Turcs naturels, » devenus janissaires par supercherie, correspondent avec leurs parens, les mettent au fait « du désordre qui règne dans l’état, » et poussent ainsi les provinces à la rébellion. Lette vue profonde honore De Brèves et montre qu’il avait été à Constantinople un observateur attentif et avisé. — Reprenant en sous-œuvre, quoique sans le nommer, le dessein de La Noue et celui de Henri IV, il procède à une nouvelle répartition des forces de terre et de mer qui devront attaquer l’empire turc. Suivant lui, c’est par mer qu’il faut surtout agir. Les précautions élémentaires prises, il conseille d’aller droit aux Dardanelles. Il voudrait qu’un partage fût lait à 1 amiable avant la conquête, afin d’éviter des débats ultérieurs dont les conséquences pourraient être graves.

Le premier de tous ceux qui ont étudié cette difficile question, Il se préoccupe de la conduite qu’il conviendra de tenir à l’égard des chrétiens orientaux. Il dit avec beaucoup de sens : «Il serait nécessaire