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point applicable au sénat de Belgique ni au sénat français, qui sont complètement indépendans du pouvoir exécutif, et qui doivent leur origine à l’élection : la même responsabilité vis-à-vis de la nation pèse sur les sénateurs et sur les députés ; mais la seconde raison conserve toute sa force. Le sénat demeurera debout avec la plénitude de son pouvoir pendant les interrègnes législatifs, que la chambre des députés ait été dissoute ou qu’elle soit parvenue au terme naturel de son existence.

La priorité attribuée à la chambre élective, et dont les motifs viennent d’être indiqués, avait-elle, dans l’esprit du législateur de 1814, pour conséquence forcée une inégalité dans les droits des deux chambres? L’action de la chambre des pairs, dans la discussion et le vote des mesures financières, n’était-elle pas aussi libre, aussi entière que celle de la chambre élective? Y avait-il une subordination nécessaire des votes de la chambre des pairs aux décisions de la chambre des députés? Interrogeons les documens législatifs. On sait quel énorme travail législatif s’imposa aux chambres pendant les premières années de la restauration. Il fallait approprier au nouveau régime toute l’organisation antérieure, combinée en vue d’assurer l’omnipotence du pouvoir exécutif. Toutes les lois politiques étaient à faire : il fallait rétablir les finances publiques, et, en assurant les services, faire face aux charges de la dette, à celles de l’occupation étrangère et à l’extinction des arriérés laissés par l’empire. Il restait dû 50 millions sur les exercices antérieurs à 1809, et 350 millions sur les exercices écoulés entre 1809 et le 1er janvier 1816. Les sessions suffisaient à peine à la besogne : les budgets, dont les élémens variaient sans cesse à raison des réclamations qui se produisaient et des exigences auxquelles il fallait satisfaire, ne pouvaient être ni discutés, ni votés en temps utile : des autorisations provisoires permettaient au gouvernement de percevoir les impôts et de pourvoir aux services publics, et cette circonstance ajoute au mérite qu’il eut de maintenir les dépenses dans les limites des recettes sans rien ajouter aux déficits antérieurs. Le premier budget régulier fut celui de 1818, présenté à la chambre des députés le 15 décembre 1817, et dont l’examen par une commission qui fit choix de MM. Roy et Beugnot pour rapporteurs, occupa presque toute la session. Ce budget arriva devant la chambre des pairs le 2 mai 1818. Le rapporteur de la chambre des pairs, M. le marquis Garnier, après avoir indiqué diverses réformes à introduire dans l’organisation financière, exprima le regret que le budget continuât d’être présenté et discuté en cours d’exercice, alors qu’un vote immédiat devenait une nécessité d’ordre public, et qu’on y mêlât une foule de dispositions d’un caractère permanent, qui devaient être séparées d’une loi annuelle et essentiellement temporaire,