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ainsi formulés ont été plus d’une fois entendus. Que si, au contraire, il arrivait qu’un des votes de l’autre chambre vous parût susceptible de porter un trouble considérable dans un des services publics, ou qu’il fût introduit parmi les articles réglementaires quelque disposition soit excessive en elle-même, soit par trop étrangère au budget, certes alors vous n’hésiteriez pas à user de votre droit, certains que le patriotisme de MM. les députés les aurait bientôt réunis pour approuver à leur tour vos propres déterminations. C’est ainsi, messieurs, qu’à notre avis vous n’abdiquerez pas votre plus haute mission, que vous ne vous écarterez pas des convenances que cette situation comporte et dont vous avez si bien le sentiment. »


Les sessions suivantes, ce fut le tour de M. le marquis d’Audiffret, qui disait, le 1er août 1839, en présentant le rapport sur le budget de 1840 :


« Il est du devoir de la chambre de réclamer toujours une participation plus réelle à la discussion du budget de l’état, de redemander, avec des instances plus vives, les moyens de concourir de toute sa prévoyance à l’accomplissement de cette grande œuvre des trois pouvoirs, qui a la plus haute influence sur la fortune de la France. »


Nous arrêterons là ces citations, qui suffisent à prouver que la chambre des pairs n’a jamais admis le moindre doute sur son droit d’exercer à l’égard du budget la faculté de rejet ou d’amendement dont elle usait à l’égard des autres lois de finances, qu’elles eussent pour objet d’autoriser une dépense ou d’établir une perception. Sous la monarchie de juillet pas plus que sous la restauration, ni la chambre élective ni le gouvernement n’ont songé à contester la prérogative de la chambre haute. L’enseignement donné dans les écoles était conforme à ces doctrines : il existait à la Faculté de droit de Paris une chaire de droit constitutionnel dont le titulaire était M. Rossi. On a invoqué avec juste raison l’opinion professée publiquement par cet illustre publiciste, dont la parole avait une si grande autorité. Voici comment M. Rossi s’exprimait dans le cours dont les leçons ont été recueillies et publiées :


« Le vote de l’impôt appartient à la chambre des pairs comme à la chambre des députés. La chambre des pairs n’a pas l’initiative à cet égard : l’impôt doit être voté d’abord à la chambre des députés; mais, sauf cette restriction, le droit de la chambre des pairs est le même que celui de la chambre des députés... Il y a des raisons pour justifier le refus d’initiative à la chambre des pairs ; il n’y en aurait aucune pour lui refuser le droit d’amendement. »


Si donc la chambre des pairs, en examinant les lois de finances, s’est presque toujours bornée à consigner dans les rapports de ses